Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/729

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les immunités dont jouissent les citoyens anglais aux baleiniers néerlandais qui voudraient venir se fixer en Angleterre. Plusieurs d’entre eux profitèrent de cette invitation. Ils apportèrent avec eux leur capital, leur industrie et leur expérience. Grâce à cette accession de forces nouvelles, la pêche anglaise de la baleine fut poursuivie durant quelques années avec un succès qui ne fut égalé à aucune autre époque. À la chute de l’empire, en 1815, il y avait en Angleterre cent cinquante excellens navires et environ six mille marins occupés à la pêche de la baleine dans les mers du Nord. Il est vrai que cette industrie ne se maintint point à un état de prospérité qui était en partie l’ouvrage des circonstances. Je lis néanmoins dans des documens officiels que de 1813 à 1818 il fut importé en Angleterre et en Écosse 68,940 tonnes d’huile et 13,420 tonnes de baleines, ce qui, en évaluant l’huile à 36 livres 10 shellings et les baleines à 96 livres la tonne, donne, avec les peaux, un total de 2,834,110 livres sterling, ou 566,822 livres par année. En 1824, la prime fut abolie. Je ne trouve point que la pêche ait beaucoup souffert de cette mesure législative, car en 1825 cent dix navires, sans autre encouragement que leur propre intérêt, rapportèrent en Angleterre 500 baleines, dont on tira 6,370 tonneaux d’huile à raison de 36 livres sterling la tonne, et 350 tonneaux de baleines au prix de 250 à 300 liv. Il y eut cette année-là cinq navires perdus. On voit par ces chiffres que la pêche de la baleine, pratiquée alternativement dans les mers du Groenland et au détroit de Davis, n’avait point alors sensiblement fléchi ni sur l’un ni sur l’autre de ces deux théâtres. Elle se maintint jusqu’en 1830, date fatale dans les annales de la pêche. À mesure que, par suite des nouvelles découvertes, le rempart des glaces reculait pour ainsi dire vers le pôle arctique, les baleines reculaient avec lui. Il devenait donc d’année en année plus difficile de les atteindre et de les saisir. Les vaisseaux, engagés toujours plus avant dans la glace, se trouvaient, malgré les progrès de la navigation, exposés à plus de dangers. L’année 1830, si fertile en désastres et en aventures tragiques, ne fit que dessiner sous ce rapport une des faces de la situation : dix-neuf navires anglais firent naufrage, et douze furent fortement en dommages ; on évalua la perte à la somme énorme de 142,600 liv. sterl. Ces événemens exercèrent une fâcheuse influence sur la pêche de la baleine, qui suivit depuis cette époque, dans les mers du Nord, une échelle de réductions lentes, mais continues. De 1844 jusqu’à nos jours, vingt-huit ou trente navires n’en prennent pas moins part chaque année à cette industrie, qui lutte résolument contre tant d’obstacles ; plusieurs d’entre ex réalisent d’assez grands bénéfices. Un navire baleinier est rentré dernièrement dans le port de Hull