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hollandais, ayant au cœur l’amour du pays qui n’ait tenu à visiter quelques-unes des côtes illustrées par les souffrances et les magnifiques établissemens de nos ancêtres, — telles que la Nouvelle-Zemble, l’île Saint-Maurice et surtout les îles du Spitzberg. Cet ensemble de flèches naturelles qui déchirent le ciel, ces monolithes dont la base brille quelquefois comme du feu, mais dont la pointe se perd à une hauteur considérable dans les brouillards, ces rochers dont la couleur noire contraste avec le fardeau de neige qui les recouvre, tout cela, vu de la mer, forme une des plus sublimes horreurs qui existent dans la nature, et justifie bien l’effroi des pauvres condamnés à mort qu’on condamnait à vivre dans ce monde de glace et de granit. À l’ouest du Spitzberg étaient les postes et les factoreries des Hollandais. Par un souvenir bien naturel de la patrie, ils avaient même donné le nom de Cuisine de Harlem à un endroit situé à quelque distance de l’île de Smeerenberg, et où ils avaient établi des chaudières pour fabriquer l’huile. Mon père, qui était baleinier comme moi, m’a assuré avoir vu dans sa jeunesse des restes de bâtimens solidement construits, et qui avaient appartenu à la compagnie néerlandaise. Il existait même encore de son temps quelques maisons dans lesquelles les marchands hollandais avaient demeuré durant la saison d’été. Elles étaient petites : il y avait sur le devant un immense poêle surmonté d’un plafond, et sur le derrière une seule chambre qui se trouvait comme enveloppée par ce manteau de chaleur artificielle. D’autres marins m’ont assuré avoir aperçu dans des régions un peu moins avancées vers le pôle les vestiges d’anciennes églises, construites en pierre, et qui avaient été bâties durant l’été. L’hiver, la population nomade des pêcheurs abandonnait ces édifices, qui restaient comme enfouis dans la neige ; mais ils les retrouvaient l’année suivante[1]. Les églises de nos ancêtres servent aujourd’hui de retraite aux ours blancs. Nos ouvrages disparaissent de ces régions inoccupées avec les souvenirs mêmes de la Hollande. Il est devenu difficile de fixer, maintenant la position du village de Smeerenberg. Le vent et puis le vent, l’hiver et puis l’hi ver auront bientôt détruit jusqu’aux ruines et balayé les traces de nos entreprises glorieuses.

La baleine est bien le principal objet de commerce qui attire l’homme au milieu, des mers du Groenland ; mais ce n’est pas le seul : à la chasse de la baleine se rattache celle du morse, du phoque et de l’ours blanc.

Quoiqu’il soit difficile d’associer l’idée de l’été avec la présence

  1. Un commerçant d’Amsterdam, homme fort actif et instruit, a fait, il y a vingt ans environ, un voyage dans les régions de la Mer-Blanche, et a trouvé encore les débris d’une église construite par les marins hollandais.