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remboursemens des comptes courans, soit pour faire face à des emplois plus pressans qui lui seraient commandés par un intérêt public, ou les exigences de ses autres opérations financières. Mais l’augmentation ou la réduction soudaine des sommes qu’un capitaliste de la force du Crédit mobilier consacre aux reports peut et doit avoir, on l’a vu plusieurs fois et les exemples en sont récens, une influence considérable sur les prix des valeurs au moment des liquidations, influence que peuvent calculer sûrement d’avance ceux qui la dirigent. Or, comme le Crédit mobilier fait le commerce des valeurs dans l’intention avouée de recueillir des différences, il n’est pas à supposer qu’il néglige dans ses opérations de vente et d’achat les élémens d’appréciation et les moyens d’influence que lui donne sur le marché sa position de reporteur.

Mais parmi les opérations auxquelles peut s’adapter l’emploi des ressources provenant des comptes courans du Crédit mobilier, s’il en est une qui soit par excellence du ressort de cet établissement, ce devrait être, ce semble, le prêt sur nantissement d’effets publics et de valeurs industrielles. C’est la vocation spéciale du Crédit mobilier de prêter sur les titres mobiliers, comme la mission du Crédit foncier est de prêter sur les valeurs immobilières, et il n’y a pas d’usage mieux indiqué des fonds disponibles des compagnies que de les employer à soutenir, par des crédits temporaires, les valeurs qui représentent leur capital. Les statuts du Crédit mobilier l’autorisent à opérer les prêts sur nantissement de titres. Cependant, par une étrange inconséquence, tandis que l’on a mis ces prêts à la charge de la Banque de France et du Comptoir d’escompte en les faisant dévier des fonctions naturelles du crédit commercial, le Crédit mobilier s’est jusqu’à présent dispensé de remplir ce service. L’excuse alléguée dans le rapport de 1854 est celle-ci : le Code civil a soumis la réalisation du gage à des formalités judiciaires lentes et coûteuses. Or, pour garantir le double intérêt du prêteur et de l’emprunteur, il faut que le créancier gagiste puisse réaliser immédiatement le gage en cas de non paiement à l’échéance, et il faut que l’emprunteur n’ait qu’un droit minime à payer pour l’enregistrement indispensable de l’acte qui constate le nantissement. Une exception spéciale affranchit la Banque de France et le Comptoir d’escompte des difficultés que l’administration de l’enregistrement en prélevant un droit proportionnel, et le Code civil en empêchant la réalisation immédiate du gage, suscitent au prêt sur nantissement de titres. Le Crédit mobilier prétend qu’il est depuis 1853 en instance pour obtenir en sa faveur une exception semblable, sans pouvoir y réussir. Cet insuccès est étrange : comment s’expliquer que le gouvernement, qui a joint aux services de la Banque et du Comptoir d’escompte le