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être achetés et vendus ; elles ne seraient blâmables que si le Crédit mobilier, par des moyens d’influence artificielle, pouvait modifier les prix à son avantage : or il est loin de posséder une influence dont il puisse faire un tel usage ; il n’agit pas à coup sûr dans ses ventes et dans ses achats, il suit à ses risques et périls les influences générales qui dominent le marché.

Il faut remarquer d’abord, pour apprécier la portée de ces objections, que le Crédit mobilier n’est point lui-même dans le droit commun, et que sa situation exceptionnelle ne devrait pas lui permettre toutes les opérations auxquelles peut se livrer l’industrie des particuliers. Pour un établissement investi, dans une vue d’intérêt public, du privilège de la société anonyme, il n’y a de bénéfices légitimes que ceux qui résultent d’opérations d’une utilité générale. Que ne dirait-on point de la Banque de France et du Comptoir d’escompte, s’ils pratiquaient un certain ordre d’opérations qui, ne procurant aucun avantage au public, ne tourneraient qu’à leur profit particulier ? Les opérations par lesquelles le Crédit mobilier cherche à gagner des différences sont justement dans ce cas.

Quant à l’influence que le Crédit mobilier peut exercer sur les prix, il faut s’entendre. Sans doute dans son état actuel le Crédit mobilier n’a point encore la domination absolue du marché. Les conséquences les plus choquantes de l’intervention du Crédit mobilier dans le commerce des valeurs ne pourraient se réaliser pleinement que le jour où cette institution aurait pris quelques-uns des développemens prévus par ses statuts. Cependant, tout en reconnaissant qu’il y aura toujours une puissance supérieure au Crédit mobilier, celle de tout le monde, tout en reconnaissant qu’il ne serait point en son pouvoir de lutter contre le courant des événemens ou de la masse des intérêts, que certaines influences financières peuvent encore le contrebalancer, et qu’il est même exposé à se tromper quelquefois et à échouer dans ses opérations à la baisse ou à la hausse, il nous semble impossible de contester que, même dans l’état actuel des choses, il ne possède des moyens de prépondérance qui doivent, en certaines conjonctures, se produire d’une façon excessive dans le commerce des valeurs. Sans parler des avantages d’appréciation et d’in formation générale que le Crédit mobilier possède sur la masse des spéculateurs lorsqu’il s’agit de prévoir les variations des cours, sans insister sur les indications particulières que peut lui fournir sur les tendances des prix sa situation ordinaire de grand reporteur, il est impossible que les mouvemens d’un acheteur ou d’un vendeur aussi important que le Crédit mobilier n’exercent point sur les cours des influences que nous appelons artificielles, puisque ces mouvemens ne sont pas motivés par un intérêt général, puisqu’ils n’ont pour objet