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budget de 6 millions de dollars au moyen d’un impôt de capitation. Une particularité assez curieuse, c’est qu’il attribuait une descendance hébraïque aux Indiens d’Amérique. Ce mensonge est, comme on le sait, une des hâbleries historiques sur lesquelles est fondé le mormonisme.

Un M. Parton, de New-York, qui ne manque ni d’esprit ni d’un certain talent, vient de nous raconter en quatre cent quarante-deux pages la vie d’Horace Greeley ; c’est à peu près le tiers des biographies de Plutarque. Les amis de M. Bennett ont été jaloux de cette longue apologie ; ils ont sans doute fait le pari de dépasser cet enthousiasme à longue haleine. S’ils l’ont fait, ils l’ont gagné. La vie de M. Bennett contient quatre cent quatre-vingt-huit pages. Aucun détail sur ces deux personnages ne nous est épargné ; nous saurons à l’avenir que lorsque M. Greeley est venu au monde, il était noir comme la cheminée ; nous saurons quel était le nombre de ses chemises quand il est arrivé à New-York. Un jour qu’il était échauffé par une discussion politique, il a mangé sans s’en apercevoir toute une assiettée de gâteaux et tout un énorme fromage. Il paraît que sa mise est négligée et qu’il n’a jamais eu le goût du dandysme ; on ne peut avoir toutes les qualités. Le volume est orné de trois portraits de M. Greeley : M. Greeley jeune, arrivant à New-York, M. Greeley dans l’âge mûr et avec sa physionomie actuelle, et enfin M. Greeley vu de dos et rédigeant un article pour la Tribune. En outre nous avons un fac-similé de son écriture, la maison où il a vu le jour, et l’école où il a appris à lire. Sachez aussi que lorsqu’il était jeune, ses cheveux étaient d’un blond très clair, tirant sur le blanc, et qu’aujourd’hui il est à peu près chauve. Sa tête offre les caractères phrénologiques suivans : organe de la philogéniture et de l’amativité très prononcé, amour de la louange proéminent, fatuité nulle, goût faiblement accusé, idéalité développée dans de convenables proportions, etc. Quant à M. Bennett, il ne nous a offert de lui qu’une image incomplète ; nous ne l’avons qu’une seule fois et encore en buste. Il faudra réparer cela dans une édition plus complète. Son biographe nous apprend qu’il louche, infirmité qui lui a donné l’occasion de dire un mot digne des héros de Corneille : « Je louche des yeux, mais non pas du cœur. Phrénologiquement, les organes les plus développés chez lui sont la bienveillance, l’esprit, la gaieté, le courage, la fermeté, la conscience, l’ordre, la mémoire, le sentiment des couleurs, des formes, de l’étendue, de la pesanteur et du temps. On se demande ce qui peut manquer à un tel homme pour être parfait. Il est mieux doué que Jules César et que Napoléon ; il a les mêmes développemens phrénologiques qu’on remarque sur les crânes de Cuvier et de Goethe. Hélas ! M. Bennett a, lui aussi, quelques imperfections. L’organe de l’idéalité lui manque, il n’est pas platonique. Le sentiment de la musique