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chantaient. À la proue, on voyait Neptune, le libérateur de la ville sauvée par les eaux. À mesure que les professeurs arrivaient, on les embrassait et on les complimentait l’un après l’autre en latin. Enfin ils entrèrent dans l’édifice de l’université, où l’un d’eux fit au milieu d’un groupe d’étudians une première leçon sur la théologie, non sans accompagnement de musique. La fête se termina par un grand banquet chez un des magistrats de Leyde. On retrouve dans cette cérémonie moitié biblique, moitié païenne, une trace de cette alliance bizarre qui constituait la véritable physionomie de l’époque, surtout en Hollande : la réformation et la renaissance se donnaient la main sur le berceau de l’institution qui allait étendre et fortifier par les lumières la liberté politique conquise par les armes.

L’université de Leyde a tenu ce qu’on attendait d’elle. Appelant les hommes éminens de la Hollande, adoptant les savans étrangers, cette institution ne tarda point à devenir une véritable cité de l’intelligence. Une académie qui compte parmi ses professeurs Juste Lipse, Paul Merula, Scaliger, Marnix de Sainte-Aldegonde, Vossius, Albinus, Boerhaave et tant d’autres, mérite assurément le respect. Dans l’édifice actuel de l’université, on trouve une salle où sont exposés les portraits de tous les anciens professeurs. En présence de ce concile, où figurent tous les hommes célèbres dans la théologie, dans les sciences et dans les lettres, j’éprouvai une véritable émotion. L’âme de la vieille Néerlande était là. Parmi les professeurs modernes, nous citerons van der Palm et M. Thorbecke. Van der Palm, élève du grand orientaliste Schultens, a écrit la prose la plus pure qui existe, en hollandais ; ses discours et ses études sur la Bible doivent être considérés, même par les étrangers, comme des œuvres estimables. À l’âge de trente-trois ans, il enseignait les langues orientales. M. Thorbecke, aujourd’hui l’un des hommes d’état les plus distingués de la Hollande, professait il y a quelques années l’histoire du droit à Leyde. Né à Zwolle, d’une famille bourgeoise, M. Thorbecke a visité l’Allemagne, à laquelle il se rattache d’ailleurs par ses études philosophiques et par certaines affinités naturelles. Son cours excita des sympathies très vives dans l’élite de la jeunesse. Un des mérites de M. Thorbecke comme écrivain, c’est d’avoir beaucoup contribué à dégager la langue nationale. La prose hollandaise, sous l’influence de la période allemande, était lourde et prolixe : M. Thorbecke introduisit dans le discours la phrase courte, serrée, concise. En voulant fuir la diffusion, il tomba, il est vrai, dans un excès contraire, — une certaine raideur d’expression. M. Thorbecke n’en est pas moins un penseur et un des rares écrivains qui ont fait école en Hollande.

Quoique des noms estimables se rattachent encore aujourd’hui à