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naturaliste danois dans un ouvrage resté justement célèbre. Par la publication de son Traité de la Génération alternante[1], M. Steenstrup a rendu aux sciences naturelles un service des plus signalés, et bien que ne partageant pas toutes les opinions de l’auteur, bien que placé parfois à un point de vue assez différent, nous n’en rendons pas moins pleine justice à tout ce que son initiative a eu d’heureux et de fécond.

Nous avons vu plus haut que Bernard de Jussieu avait le premier découvert les œufs de l’hydre. Ses successeurs, regardant ce mode de reproduction comme inutile chez un être qui se multipliait déjà par boutures et par bourgeons, prirent ces œufs pour des espèces de boutons produits par une maladie. Il n’existe en effet chez l’hydre aucun organe assimilable à l’ovaire. Les parois mêmes du corps sécrètent pour ainsi dire ces germes. Sur un point quelconque, et d’ordinaire là où avaient précédemment apparu des bourgeons, la peau se soulève en cupule ; les élémens de l’œuf s’amassent peu à peu sur place et s’entourent d’une espèce de coque hérissée d’épines bifurquées à leur extrémité. La peau crève alors, et l’œuf, expulsé au dehors, se fixe sur le premier objet venu. L’illustre micrographe de Berlin, Ehrenberg, qui le premier a bien fait connaître ce mode de reproduction des hydres[2], a depuis trouvé chez ces mêmes animaux les produits caractéristiques du sexe mâle. L’hydre est donc hermaphrodite, et se propage par œufs aussi bien que par bourgeons.

Mais, et c’est là un fait de la plus haute importance, les bourgeons se montrent toujours les premiers, et quand l’hydre a produit des œufs, elle meurt. Ainsi de l’œuf pondu par une hydre sort d’abord un individu simple, un scolex capable de produire plusieurs individus semblables à lui, qui tous peuvent pousser de nouveaux bourgeons, mais qui, tout aussi bien que l’individu souche, finissent par acquérir les attributs de la sexualité. C’est à peu près comme si de l’œuf du papillon sortait un animal ayant tous les caractères extérieurs de l’insecte parfait, mais privé d’organes reproducteurs, lequel produirait par gemmation des êtres semblables à lui, et susceptibles comme lui d’acquérir plus tard ce qui lui manque. La généagénèse se montre ici dépouillée de toute circonstance accessoire et des complications résultant des changemens de forme. Les diverses générations de scolex se ressemblent toutes, et chaque scolex se transforme directement en proglottis. La phase de strobila manque entièrement. Cette simplicité même fait mieux

  1. Uber den Generationswechsel, oder Fortpflanzung und Entwickelung durch abwechselnde Generationen, 1842. Cet ouvrage, sur lequel nous reviendrons dans le chapitre suivant, a été traduit en anglais par M. George Bush pour les membres de la Société de Ray. Il est à regretter qu’il n’en existe pas de traduction française.
  2. Die Fossilen Infusorien, 1837.