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un tas de cuistres et de faquins, qu’il leur prête les vices que Voltaire prêtait à l’abbé Desfontaines, c’est une faute de goût que je ne puis lui pardonner. De telles invectives ne seront jamais acceptées comme des argumens. Il n’y a pas de rancune qui justifie de pareilles accusations. Virgile et Horace sont pour bien des enfans un sujet d’ennui plutôt qu’un sujet d’enseignement. On pourrait sans doute présenter leur pensée sous une forme plus attrayante, et solliciter l’exercice de l’intelligence, au lieu d’encourager la mémoire sans tenir compte des autres facultés. Rien de plus vrai, de plus évident ; mais de quelque façon qu’on s’y prenne, on ne réussira jamais à rendre l’étude des langues mortes aussi séduisante, aussi facile que l’étude des langues vivantes. La lecture d’Homère et d’Eschyle, de Virgile et d’Horace sera toujours plus laborieuse que celle de Milton et de Shakspeare, de Schiller et de Goethe. L’idéal d’éducation proposé par l’auteur des Contemplations dans sa boutade A propos d’Horace ne ralliera pas de nombreux suffrages. L’intelligence de la nature, les promenades et les rêveries sous les ombrages silencieux, ne changeront pas les élémens dont toutes les langues sont faîtes. Ceux qui auront écouté la grande voix de la nature, comme on dit aujourd’hui, seront obligés, comme les esprits les plus vulgaires, d’étudier les déclinaisons, les conjugaisons et la syntaxe. Nécessité douloureuse, j’en conviens, mais il n’y a pas de railleries qui puissent supprimer cette nécessité. Ni prose ni alexandrins ne prévaudront contre l’obligation de commencer par le commencement. Pour lire Horace, il faut se résigner aux ennuis de la grammaire latine, comme, pour chanter le Stabat de Pergolèse, aux ennuis du solfège. C’est pourquoi je pense que l’auteur des Contemplations eût bien fait de garder en portefeuille, comme un péché de jeunesse, la boutade dont je parle, si toutefois ce péché n’appartient pas à son âge mûr. Amusante pour quelques amis, cette imprécation contre le collège demeure sans attrait pour le public.

J’ai dit que la partie philosophique des Contemplations mérite l’indulgence et le sourire. Il serait difficile en effet de prendre au sérieux les prétentions de M. Victor Hugo dans le domaine de la raison pure. Quand, au lieu de raconter ses émotions personnelles et de peindre ce qu’il a vu, il essaie d’expliquer l’origine du monde, la destination de l’homme, ses droits, ses devoirs, les châtimens attachés à chacune de ses fautes, il se laisse aller à des enfantillages qui ne manqueraient pas d’amuser, s’il eût pris soin de les traduire dans une langue plus claire. Malheureusement, dans les pièces qu’il nous donne pour l’expression de sa philosophie, l’obscurité de la forme s’ajoute à la puérilité de l’idée, et pour le suivre dans la région inconnue qu’il croit avoir découverte, un courage ordinaire ne suffit