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les matériaux des immenses accumulations de cette époque, ces continens n’étaient pas encore propres au développement de la vie organique. Aussi n’y trouve-t-on jamais de trace de plantes ou d’animaux terrestres : la faune silurienne est essentiellement marine ; mais dans ces mers anciennes ne vivait encore aucun poisson, et l’on n’y trouve qu’une grande profusion de crustacés, de mollusques et de zoophytes.

Parmi les animaux de cette époque, il y en a d’extrêmement remarquables, et ce sont précisément ceux qui ont exercé une prédominance incontestable et imprimé à la faune entière son caractère principal. Quels singuliers animaux que les trilobites avec leur tête aplatie, leurs yeux à facettes, leurs anneaux ! Ils habitaient en foule les mers Siluriennes : dans ses belles recherches sur le terrain silurien de Bohême, M. Barrande n’en a pas signalé moins de deux cents espèces différentes, et ils forment presqu’en totalité la faune qu’il appelle primordiale. Quelle admirable structure que celle des nautiliens avec leurs chambres cloisonnées et leur coquille couverte des ornemens les plus variés ! Ces rois de la mer, les plus parfaits de tous les mollusques, atteignaient souvent des proportions énormes et pressentaient les formes les plus diverses, pendant la période paléozoïque, depuis l’orthocère droite jusqu’au nautile complètement enroulé. Les mollusques brachiopodes, les premiers des mollusques sans tête distincte, étaient abondamment représentés dans les mers siluriennes par les orthides, les pentamères, les lingules, petits animaux qui ont traversé toute l’immense série des terrains géologiques[1].

Toutes ces formes ne le cèdent en rien aux formes analogues actuelles, et bien loin d’apercevoir un mouvement ascendant dans l’ordre où elles se sont développées, on voit au contraire que la décadence, la destruction même, sont venues frapper le plus grand nombre d’entre elles. Les trilobites n’ont pas survécu à la fin de la période paléozoïque ; les nautiliens furent réduits peu à peu au seul genre nautile, qui a traversé toutes les époques, mais qui n’est plus représenté de nos jours que par une seule espèce.

Dès la fin de l’époque silurienne, on trouve déjà, comme avant-coureurs quelques vestiges de poissons cartilagineux ; mais c’est la période dévonienne qui est surtout caractérisée par une abondance de grands poissons aux formes les plus bizarres : leur tête était obtuse et aplatie, leur corps protégé par de grandes plaques superficielles, qui formaient comme une cuirasse ou un squelette extérieur, Parmi les plus bizarres, on peut citer celui que Hugh Miller, le carlier

  1. C’est la lingule des Philippines qui a servi à Cuvier pour établir l’anatomie des brachiopodes.