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entrait dans la composition primitive. Il mettra sous vos yeux la suite nombreuse de ces produits. Dans deux termes voisins vous reconnaîtrez immédiatement la parenté intime qui, dans les termes extrêmes présentés isolément, vous avait complètement échappé. Est-ce à dire pour cela qu’il faille essayer, par des additions ou des soustractions de matière, de convertir de l’or en fer, de l’oxygène en hydrogène, de la potasse en acide sulfurique ? Parce qu’il existe des séries organiques parfaitement définies, en résulte-t-il qu’on puisse ranger tous les corps dans une série unique et discontinue ? Les modifications successives et graduées ne s’opèrent qu’entre les termes d’un même groupe rationnel ; mais ces groupes sont nombreux : très éloignés dans certains termes, ils se rapprochent dans d’autres ; ils sont tous régis par certaines lois particulières, bien que dans l’ensemble des caractères ils puissent présenter des analogies plus ou moins marquées.

Les êtres doués de vie se groupent de même en séries multiples. On comprendrait mal la nature, et l’on se laisserait entraîner trop loin par cette préoccupation extrême du principe de l’unité, que l’on est toujours tenté d’y chercher, si l’on croyait que, dans l’ordre de leur apparition sur le globe et de leur développement, les animaux divers forment comme les anneaux d’une chaîne immense et continue, depuis cette limite confuse où la matière organique se distingue à peine de la matière inerte jusqu’aux formes les plus parfaites que nous connaissions. Les êtres organisés se partagent en différentes séries qui rayonnent d’un centre commun. Les grandes divisions que l’on marque dans nos classifications ne sont pas purement arbitraires et conventionnelles, elles répondent à l’indépendance et à la divergence de ces séries. Seulement les découvertes les plus récentes de la zoologie ont établi que les caractères qui les séparent ne sont parfaitement nets et tranchés que dans les termes supérieurs, et qu’ils se dégradent de plus en plus à mesure, qu’on se rapproche de leur origine commune. Les transformations qui atteignent les êtres engagés en quelque sorte dans une de ces voies divergentes ne peuvent s’opérer que dans une direction déjà donnée, et Ses que leur essor est déterminé, aucune métamorphose ne peut les rejeter dans une voie différente ; mais à ce centre commun, où elles viennent toutes aboutir, répond comme un monde confus, où les caractères demeurent encore indistincts, où les organismes et souvent les individus ne sont pas encore séparés. Il semble que la nature animée s’y tienne prête à revêtir toutes les formes dont la nature physique permettra le développement, à les varier suivant les nécessités inflexibles qu’elle lui impose, et qui se modifient d’âge en âge à la suite des grands événemens qui bouleversent notre terre.