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et du Brésil, les dents de mammifères contenues dans le terrain triasique[1] du Wurtemberg les empreintes de pieds d’oiseaux du trias de l’Amérique du Nord, les impressions découvertes dans le Haut-Canada, dans les grès qui se trouvent à la base du terrain silurien, et que M. Owen a rapportées d’abord à’un reptile de l’ordre des chéloniens (tortues). Ces exemples sont bien faits pour prouver qu’il ne faut point se hâter de poser dans le passé des limites à l’existence de certaines classes d’animaux et qu’il est imprudent de fixer l’époque de leur apparition sur la terre ; mais peut-on en conclure légitimement que toutes les classes, tous les ordres, tous les genres, toutes les espèces même, y ont apparu simultanément ? Comment se fait-il que, parmi ces multitudes d’êtres innombrables, nous n’en retrouvions jamais qu’un nombre déterminé dans chaque terrain ? Le terrain silurien, par exemple, offre les mêmes types principaux en Europe au Groenland, au cap de Bonne-Espérance, dans l’Amérique du Nord et du Sud, dans l’Inde, en Asie, en Australie. Ces observations, encore limitées il est vrai, mais faites en des points si divers, ne semblent-elles pas ranger contre l’hypothèse de l’apparition simultanée des êtres le simple calcul des probabilités, si on voulait l’appliquer à un pareil sujet ?

Parmi ceux qui admettent l’apparition d’êtres nouveaux sur le globe à diverses époques, les opinions sont aussi partagées. Cette question, qui a tant passionné les naturalistes, est également faite pour intéresser les philosophes et les théologiens. Il s’agit en effet de savoir si, l’intervention directe d’une volonté et d’une puissance supérieure étant nécessaire pour rendre compte de l’apparition des êtres vivans dans le monde inorganique, la matière organisée a été douée de propriétés telles qu’elle puisse se transformer, se plier aux nécessités changeantes du milieu où elle s’agite, — en un mot se suffire à elle-même ; — ou si, les espèces étant absolument invariables, toute révolution dans les conditions physiques pour lesquelles

  1. On appelle terrain triasique ou trias, le terrain qui s’est déposé au début de la période secondaire intermédiaire entre le dépôt des terrains les plus anciens, dits paléozoïques, et le dépôt des terrains tertiaires et modernes. Voici du reste la liste abrégé des terrains géologiques :
    Terrains modernes
    Terrains tertiaires
    Terrains secondaires Terrain crétacé
    « Terrain jurassique
    « Terrain triasique
    Terrains paléonzoïtiques Terrains permien
    « Terrain dévonien
    « Terrains silurien