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s’étendent souvent sur les couches anciennes en couches parfaitement parallèles, comme s’il n’y avait eu aucune interruption entre les deux dépôts.

Le mot de terrain n’a pas en géologie le sens qu’on lui donne dans le langage ordinaire : on l’applique à l’ensemble complexe de tous les dépôts qui se forment entre deux révolutions du globe. On reconnaît fréquemment dans les parties les plus inférieures d’un ter sain, composées de débris grossièrement mélangés, la trace d’une agitation violente ; mais l’on trouve bientôt, à la partie supérieure, des couches où le dépôt régulier de nombreux restes d’animaux signale le commencement d’une nouvelle période de calme, favorable au développement de la vie organique.

La faune qui suit un de ces cataclysmes diffère, par un ensemble de caractères plus ou moins frappant, de celle qui l’avait précédée. Ce fait si remarquable est actuellement établi sur des preuves si multipliées, que l’on ne peut plus différer que sur l’explication d’un changement si extraordinaire dans les formes organiques.

L’apparition sur la terre d’êtres nouveaux est pourtant un phénomène si étrange, si mystérieux, que certains esprits se refusent encore à l’admettre. Ils aiment mieux supposer que les animaux découverts dans un terrain, et qui manquent dans celui qui l’a précédé, existaient déjà quand ce dernier terrain se déposait, mais en d’autres lieux qui nous sont encore inconnus, dans des zones que nous n’avons pas encore découvertes. Dans cette hypothèse, les animaux se déplacent d’une époque à l’autre, et c’est à ces grandes migrations, à ces mouvemens qui s’opèrent dans la distribution des êtres, qu’il faut attribuer la variété des formes organiques qu’on observe dans les couches diverses qui composent le sol d’une même région. La terre n’a été fouillée jusqu’ici que dans une zone relativement assez étroite et dans quelques points seulement, et quand on aurait retrouvé tous les vestiges des temps passés sur la surface entière de tous les continens et de toutes les lies, sur les flancs et dans les anfractuosités de toutes les montagnes, — les couches qui servent de lit aux mers ou qui demeurent enfouies aux profondeurs que ni les travaux de l’homme, ni les accidens physiques ne nous permettent d’atteindre, garderont éternellement leur secret.

Ainsi cette doctrine se fait une arme de notre ignorance même et de l’impossibilité où nous nous trouvons de pouvoir étendre nos observations au-delà de limites très restreintes. Elle triomphe encore de la découverte accidentelle de quelques animaux que l’on rencontre dans les terrains où l’on s’était habitué à croire qu’ils ne pouvaient se trouver. On peut citer, entre autres, les restes de singes découverts dans les terrains tertiaires d’Angleterre, de France, de l’Inde