Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les couches soulevées et rompues, et la fournaise souterraine vomit par d’immenses ouvertures les roches qui s’élaboraient lentement dans son sein. La formation des chaînes de montagnes est en quelque sorte concentrée dans une zone qui trace comme une longue ceinture autour du globe ; mais toutes les pièces de la vaste mosaïque terrestre se mettent légèrement en mouvement, s’élèvent ou s’abaissent plus ou moins par suite de la détente subite de la pression qui les retenait. Des îles et des continens surgissent du fond des eaux ; d’autres s’abîment dans la mer, comme on le raconte de l’Atlantide de Platon ; une partie des anciens océans est laissée à sec ; leurs eaux sont rejetées en vagues gigantesques, dont les marées les plus puissantes ne peuvent donner qu’une faible idée, et submergent d’immenses contrées avec tous leurs habitans.

Dans ce déchaînement des forces naturelles, tous les êtres ne sont point atteints de la même manière ; les poissons et les mollusques périssent par milliers sur la vase des mers laissées à sec ; beaucoup d’animaux sont frappés de mort violente les uns noyés, les autres arrachés à leur séjour, entraînés par des courans d’une vitesse et d’une force irrésistibles, et l’on trouve des couches entières formées de leurs débris confondus. Mais les soulèvemens des montagnes n’exercent pas seulement des effets mécaniques et directs par l’agitation des mers, les chocs, les convulsions du sol, les éjections et les émanations souterraines ; ils répandent le trouble et le désordre dans la nature vivante tout entière. Comme le cercle qui se dessine et s’étend avec rapidité dans l’eau paisible où l’on jette une pierre, la perturbation s’étend de proche en proche jusque dans les régions les plus éloignées du théâtre principal du bouleversement. Il en est peu où il ne se produise une élévation ou un abaissement du sol plus ou moins considérable, et ces oscillations seules suffisent pour faire sortir les animaux, surtout les animaux marins, de la zone d’habitation qui leur est naturelle. Arrachés aux influences qui présidaient à leur paisible développement, ils se mêlent, se confondent dans leur commun effort pour retrouver tout ce qui vient à leur manquer ; les liens qui les rattachaient auparavant s’enchevêtrent ou se déchirent ; le manque d’air, d’eau, de nourriture, continue ce que la force avait commencé.

Après ces crises violentes, le calme se rétablit par degrés, les mers retombent dans leurs nouveaux lits, les fleuves cherchent leur pente ; les débris arrachés et mêlés par l’action des vagues s’accumulent lentement ; ils retombent en couches horizontales au pied des couches qui ont été relevées et sur la surface des terrains anciens, souvent ravinés par l’action furieuse des courans. Aux lieux les plus éloignés de la région la plus disloquée, ces accumulations