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colossal monopole. Il est incontestable que ce résultat, franchement annoncé dans le préambule des statuts du Crédit mobilier, est la conclusion logique du système qui a présidé à sa création ; mais, avant qu’il ne soit atteint, il faut que la somme des obligations du Crédit mobilier soit portée à un chiffre égal à la somme que représenteront les actions des compagnies. Pour en arriver là, évidemment il faudra passer par plusieurs augmentations successives du capital, accompagnées d’émissions décuples d’obligations. Jusque-là le Crédit mobilier n’enlève rien à la spéculation, car il ne consolide pas les titres qu’il achète ; plus au contraire son portefeuille sera considérable, et plus il excitera la spéculation, puisqu’il pourra exercer une influence plus vive sur les cours, suivant qu’il rendra une valeur rare ou abondante sur le marché en l’absorbant dans son portefeuille ou en l’écoulant à volonté.

Mais revenons à notre objet actuel, à la puissance que le placement du chiffre des obligations que la société de Crédit mobilier est autorisée à émettre, par ses statuts, lui donnerait sur le crédit commanditaire. C’est alors que serait réalisée l’hypothèse que nous ayons discutée dans la première partie de ce travail. C’est alors que, combinant une puissance sans égale de capital avec ses immunités de société anonyme, la société de Crédit mobilier acquerrait dans la sphère du crédit commanditaire une prépondérance, ou, pour mieux dire, une suprématie analogue à celle que possède la Banque de France dans la dispensation et le gouvernement du crédit commercial. Nous n’avons pas à revenir sur les dangers que nous avons signalés dans une pareille situation, il nous suffit d’avoir montré, et nous ne pensons point que cette conclusion puisse être contestée, que c’est de la réalisation de cette partie de son système, qui entraîne une émission d’obligations décuple de son capital, que dépendent le caractère décisif et la position définitive que la société générale de Crédit mobilier est appelée à prendre parmi nos établissemens de crédit.

Nous serions heureux de voir opposer des raisons satisfaisantes aux objections que nous avons présentées contre la suprématie d’une banque commanditaire, objections qui s’appliquent par conséquent au système d’obligations du Crédit mobilier. Jusqu’à présent les raisons de cette nature, s’il en existe, nous sont inconnues ; nous avons cependant entrevu dans le dernier rapport de M. Isaac Pereire un argument en faveur de l’émission des obligations auquel nous ne pouvons nous dispenser de nous arrêter. M. I. Pereire reconnaît que les grandes affaires sont celles qui pourraient se passer le plus facilement du concours de la société du Crédit mobilier, car leurs titres trouvent un prompt débouché sur les principales bourses de l’Europe. « Il n’en est pas de même, dit-il, pour les entreprises de