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de la société de Crédit mobilier, peut s’indiquer d’un mot : le crédit commercial liquide, par la compensation générale des diverses dettes particulières, les comptes relatifs au travail fait, tandis que la commandite fournit les instrumens de production au travail futur ; les dettes particulières, résultant du travail fait et gagées par ce travail peuvent aisément et promptement se liquider les unes par les autres, en empruntant, pendant le temps très court qui les sépare des échéances, l’intermédiaire d’un titre, général, comme le billet de banque ; mais les instrumens à procurer au travail futur ne peuvent être fournis que par les capitaux nouveaux que forme l’épargne. La commandite ne peut donc s’accomplir que d’une seule façon, par l’apport et la répartition des capitaux réels, nés de l’épargne, et cette opération ne comporte pas de formule et de procédé qui puisse naturellement en conférer la direction suprême à un établissement quelconque.

Il est donc manifeste à première vue que ce n’est point à l’introduction d’une combinaison nouvelle dans le crédit commanditaire que la société de Crédit mobilier pourrait être redevable de la position supérieure qu’on semble lui assigner en la comparant à la Banque de France : elle ne fait et ne peut faire que ce que font et faisaient avant elle les maisons de banque ordinaires ; mais si elle n’en diffère point par le caractère de ses opérations et la nature des fonctions qu’elle est appelée à remplir, elle a pourtant sur ces maisons de banque un avantage qu’elle doit à sa constitution comme société commerciale : elle est une société anonyme. Or, suivant le degré d’étendue qu’elle pourra donner à ses ressources, la société de Crédit mobilier, grâce aux immunités de sa constitution anonyme, peut être amenée à s’emparer d’une situation exceptionnelle et d’un monopole de fait dans la dispensation du crédit commanditaire.

Une société anonyme de banque, à ressources égales, a sur les maisons de banque ordinaires un avantage qu’il est à peine nécessaire d’indiquer. Les administrateurs d’une société anonyme sont affranchis des responsabilités commerciales et de tout risque personnel. S’ils ont le malheur d’engager la société dans une affaire onéreuse, le plus grand péril qu’ils courent, c’est d’ébrécher les dividendes ou d’endommager le capital de leurs actionnaires. Il n’en est pas de même du banquier ordinaire. Si le banquier se trompe dans les calculs et les prévisions d’après lesquels il s’est engagé dans une entreprise, ses erreurs se traduisent pour lui en pertes sensibles et peuvent amener sa ruine. La perspective de l’insuccès et de la perte n’agit donc pas avec la même force sur l’administrateur d’une société anonyme et sur le banquier ordinaire. Les conditions ne sont point égales entre eux dans le champ-clos de la concurrence : l’un y