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duite qu’une opposition doit tenir dépend en partie des principes qu’elle professe. Nos amis impatiens doivent se rappeler que notre nom même implique une certaine contradiction ; nous sommes une opposition conservatrice, nos principes sont ceux qui prévalent en général dans le gouvernement. Ils ne nous permettent pas cette latitude d’action qui peut convenir à une opposition conduite par des principes contraires. Une opposition qui professe que les institutions de ce pays sont un grief, que la société anglaise est un chaos d’abus, a contre le gouvernement un double motif et un double moyen d’attaque. Elle est mécontente de son système, elle censure ses actes, et en même temps elle n’hésite pas à fomenter le mécontentement populaire contre les institutions du pays. Le devoir au contraire que nous imposent à nous nos principes, c’est de maintenir les anciennes institutions du pays. Nous n’avons aucun désir d’élever l’autorité de la chambre des communes au-dessus de la prérogative de la couronne, ni aucun dessein de miner les privilèges de la chambre des lords ; nous avons au contraire à cœur de les défendre. Le vaste champ d’opposition ouvert à ceux qui cherchent à réduire nos établissemens publics nous est fermé, car nous voulons que les établissemens maritimes et militaires du pays conservent leur vigueur et leur efficacité. Il ne nous appartient pas d’enflammer l’humeur populaire par la peinture exagérée des abus publics. Nous ne pouvons pas non plus prêter notre aide à la couronne pour mutiler les libertés du peuple… Je conjure ceux de nos amis qui souhaiteraient une action plus décisive de se rappeler par quelle voie, à quelles conditions nous avons acquis la force que nous possédons aujourd’hui : c’est par la modération, par la prudence, en ne nous écartant jamais de nos principes… J’espère que nous ne nous laisserons jamais entraîner, en vue de quelque avantage momentané, à nous allier avec les hommes dont les principes sont contraires aux nôtres. J’espère que nous n’abandonnerons jamais notre devoir dans la chambre des communes, uniquement pour créer au gouvernement des embarras, en le laissant se débattre seul contre ses ennemis ou ses périls. C’est ma ferme conviction qu’en remplissant fidèlement nos fonctions législatives, en blâmant les ministres quand il y a lieu de les blâmer, en amendant leurs mesures quand il y a lieu de les amender, dussions-nous les sauver ainsi de quelques embarras, nous nous assurerons de jour en jour de nouveaux droits à l’estime publique et de nouvelles forces dans le parlement. »

Il y avait dans ce langage autant de bon sens pratique que de sens moral : unies avec persévérance, la modération et la probité politiques servent un parti autant qu’elles l’honorent. Le parti conservateur suivit les conseils de sir Robert Peel, et son progrès continu