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SIR ROBERT PEEL

PREMIÈRE PARTIE.

I

Il y a bientôt six ans, au moment de la mort de sir Robert Peel, j’éprouvai un vif désir de lui rendre un hommage public, et de faire pressentir quelles seraient, selon moi, sa physionomie propre et sa place parmi les hommes qui ont gouverné leur pays ; mais il est difficile de parler des morts, même des meilleurs, en présence des sentimens qui éclatent autour de leur cercueil, et quand il semble qu’eux-mêmes soient encore là et entendent les paroles dont ils sont l’objet. Un hommage sérieux n’est rendu avec convenance qu’un peu loin de la tombe, quand les passions amies ou ennemies se sont calmées, sans que l’indifférence ait encore commencé. J’avais de plus un motif personnel de réserve. La dernière fois qu’il avait pris la parole dans la chambre des communes, le 17 juin 1850, douze jours à peine avant l’accident qui a causé sa mort, sir Robert Peel, en rappelant la misérable querelle qui s’était émue, sept ans auparavant, entre la France et l’Angleterre, à propos des affaires de Taïti, m’avait fait l’honneur de parler de moi dans des termes dont je devais être et dont j’étais trop touché pour que ma sympathie parût tout à fait désintéressée. J’ajournai donc mon désir. J’y reviens aujourd’hui sans scrupule. Sir Robert Peel est entré dans l’histoire, et nulle part sa mémoire n’a plus de droits que dans cette enceinte[1].

  1. La première partie de cet essai a été lue à l’Académie des Sciences morales et politiques.