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de m’en garder le secret) qu’au risque de passer pour un petit esprit, je regrette de ne pas savoir le dénoûment de l’histoire de Démétrius, car tel était le nom du ciseleur, et si cette couronne fit partie des objets que Verres enleva aux Siciliens. Cicéron n’en dit rien.

Au risque de me tromper dans ma conjecture, je présume qu’Archimède obtint la grâce de l’orfèvre en faveur de la belle découverte qu’elle avait occasionnée, car c’est de la qu’ont pris naissance la science de l’hydrostatique et le principe qu’on nomme encore le principe d’Archimède. Il est encore un fait qu’on me permettra de rappeler à l’appui de cette présomption. Notre célèbre minéralogiste Haüy reçut un jour dans son paisible cabinet du Jardin des Plantes un juge d’instruction accompagné d’un Démétrius français qui avait vendu pour des diamans des topazes blanches du Brésil, vulgairement connues sous le nom de gouttes d’eau, et qui sont d’une limpidité parfaite avec un poids tout pareil à celui du diamant. Ici l’épreuve d’Archimède n’eût pas réussi, puisque le diamant et la topaze blanche produisent exactement le même effet quand on les plonge dans l’eau ; mais les objets paraissent doubles au travers de la topaze, contrairement à ce qui arrive quand on les regarde au travers du diamant. De plus, la topaze électrisée garde obstinément son état électrique, lequel disparaît promptement dans le diamant électrisé. De plus encore, la topaze chauffée s’électrise d’elle-même, ce que ne fait pas le diamant. Je ne parle pas du lustre que prend subitement le diamant quand on observe ses reflets obliques, ce qui n’arrive pas à la topaze. Enfin on aurait encore pu, suivant le procédé d’Arago, observer l’angle de polarisation, qui diffère beaucoup dans les deux gemmes. Bref la conclusion du savant fut que les pierreries étaient fausses ; mais celle du magistrat fut qu’il devait lancer un mandat d’arrêt contre le vendeur dont tout indiquait la culpabilité. Haüy fut donc obligé, à son grand désagrément, d’intervenir activement pour obtenir que le juge se contentât d’une transaction à l’amiable et ne réclamât pas l’application rigoureuse de la pénalité méritée. Cet épisode minéralogique avait laissé un souvenir pénible dans l’âme du bon abbé créateur de la cristallographie.

Les annales de la science me fournissent un autre trait d’improbité accompagné d’impénitence finale. Il s’agissait de boissons falsifiées que les dégustateurs officiels regardaient comme telles, mais que la chimie était impuissante à reconnaître par ses procédés. L’habile chimiste Laugier, du Jardin des Plantes, fut appelé en expertise et trouva enfin un réactif qui mettait la fraude en évidence. Le falsificateur, poussé à bout par le savant, lui dit : — En supposant mes boissons falsifiées, il serait impossible de démontrer qu’elles le sont. Le chimiste lui indiqua le réactif qui avait fait découvrir la fraude :