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III. – REVENUS PUBLICS ET INTERÊTS COMMERCIAUX.

Les revenus publics de la régence de Tunis ne dépassent pas 8 ou 9 millions de notre monnaie. Sans l’armée régulière, qui coûte beaucoup, et qui est d’une utilité fort contestable, cette somme serait plus que suffisante pour couvrir les frais d’une administration très simple et faire vivre le bey dans la splendeur ; mais l’entretien de ses troupes le met souvent dans un véritable état de gêne, quoiqu’il ait soin d’en avoir presque toujours une partie en congé.

En comparant le chiffre de la population avec celui des charges qui pèsent sur elle, on verra qu’elle supporte un fardeau dont le poids numéral est moindre que celui que soutiennent sans sourciller les contribuables français, que même, en mettant un tiers en sus pour les concussions des fonctionnaires publics, la proportion est encore en faveur des Tunisiens sous le point de vue purement arithmétique. Quelle différence pourtant, si l’on considère l’énorme disproportion de richesse entre les deux pays ! La France, prospère et florissante tant que les factions ne déchirent pas son sein fécond, se joue du poids de son gigantesque budget ; la régence de Tunis est écrasée sous le sien. Si quelqu’un pouvait douter de l’influence de l’administration sur la prospérité des nations et même sur la fécondité matérielle du sol, je lui conseillerais d’aller comparer, dans cette malheureuse contrée, le présent, si triste et si pauvre, avec le passé, dont tant de belles ruines et tant de documens historiques rendent témoignage. D’ailleurs, en pénétrant plus loin dans l’Orient, ne sait-on pas ce qu’ont fait les Turcs de

La plus belle moitié du trône des césars ?

Les impôts directs que prélève le gouvernement tunisien sont : 1° le canoun ou impôt sur les oliviers, 2° l’erba ou impôt sur l’industrie, 3° l’achour ou dîme, 4° les tributs du Djerid et de quelques autres parties éloignées de la régence.

Par le canoun, les oliviers en âge de produire sont partagés en trois classes, selon leur force, et taxés selon la classe ou on les range. L’erba se perçoit sur toutes les boutiques louées au commerce de détail et sur les professions industrielles. Réduit à cette limite, il correspond à notre patente ; mais on l’a étendu depuis quelques années à tous les objets mis en vente, ce qui en a fait, pour ce cas, un impôt indirect. L’achour ou dîme se perçoit sur les grains récoltés. C’est bien, comme on le voit, un impôt direct ; mais il ne constitue pas toujours une régie, car cette branche de revenu est souvent affermée. Quand il en est ainsi, le cultivateur est extrêmement foulé.