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de lui ; mais le sceptique, se moquant encore plus de son changement qu’il ne s’était moqué de ses scrupules, lui dit qu’il était absurde d’abandonner une erreur pour en adopter une autre, et refusa de se mêler de ses affaires. Le moine renégat partit pour l’Europe, où il se fit protestant.

Douce et naturellement honnête, la population agricole de la régence de Tunis ignorerait à peu près complètement le vol, si les soldats des troupes régulières du pays, pour qui la vie de caserne ne paraît pas être une aussi bonne école qu’elle l’est chez nous, ne ternissaient un peu cette innocence patriarcale quand ils rentrent dans leurs foyers. Ce que nous disons de la probité des Tunisiens ne peut malheureusement s’appliquer à leurs mœurs, dans le sens que comporte plus ordinairement ce mot. On sait que la chasteté n’est nulle part la qualité dominante des musulmans, mais on croit peut-être un peu trop que la manière dont vivent les femmes chez eux est une barrière efficace contre une trop grande licence : c’est une erreur. Les filles se marient généralement si jeunes, qu’elles n’ont guère le temps de faillir avant le mariage ; mais, une fois mariées, elles ont d’autant plus de propension à le faire, que la gêne officielle où l’on cherche à les tenir, le peu de confiance qu’on leur montre les affranchit de tout scrupule. Il leur semble qu’en trompant la vigilance du mari, elles rentrent dans leurs droits naturels. J’aborde une question délicate ; mais enfin il est possible de traiter avec convenance toute sorte de sujets, et la condition des femmes touche de trop près aux intérêts essentiels de la société musulmane pour que je m’abstienne d’en parler ici avec quelque liberté. On aurait grand tort de croire que la jalousie proverbiale des Orientaux les mette à l’abri des disgrâces conjugales. On pourrait soutenir au contraire, sans trop de hardiesse, que dans les pays musulmans les infractions au pacte conjugal sont plus nombreuses qu’ailleurs. Une fois les obstacles matériels surmontés, et ils sont toujours surmontables, tout est dit. Il n’y a pas de combat à livrer contre les scrupules et les principes de créatures sensuelles qui n’en ont aucun. Dans les villes, la peste des ménages est la Juive revendeuse à la toilette. C’est par elle que s’ourdissent toutes les intrigues amoureuses, et Dieu sait si elles sont nombreuses dans la classe moyenne, ce que nous appelons la bourgeoisie. Les femmes d’un rang plus élevé sont un peu retenues par leur nombreux entourage ; mais celles qui n’ont autour d’elles qu’une ou deux négresses, dont il leur est toujours très facile de se faire des complices, sortent très aisément lorsque le mari est à ses affaires, et peuvent aller sans danger, conduites par la revendeuse à la toilette, là où l’amour les appelle. Les autres, qui sont plus surveillées, trouvent néanmoins dans les maisons de bain un moyen d’arriver au même but par un détour. Elles y entrent ostensiblement