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en négociation pour la vendre à la compagnie d’Afrique au moment de la rupture entre nous et Tunis. Le bey, craignant d’y voir arriver les ; Français, devenus ses ennemis, s’en empara et en transporta les habitans à Tunis, où leurs descendans, toujours désignés sous le nom de Tabarkins, vivent de nos jours sous la protection du consul de Sardaigne[1].

Notre bon accord avec les Tunisiens fat troublé en 1798 par l’expédition d’Égypte, mais plus en apparence qu’en réalité. Le bey dut paraître se déclarer contre nous dans une cause qu’on lui disait intéresser tout l’islamisme, et il céda aux sollicitations de la Porte ; mais il ne se prononça qu’avec modération, et dès qu’il le put, il renoua avec la France par un armistice du 26 septembre 1800, suivi du traité du 26 mars 1802, qui renouvela celui de 1742. Ce traité fut modifié en 1824 dans ses dispositions commerciales, puis remplacé par celui du 8 août 1830, qui, signé sous la salutaire influence de la prise d’Alger, nous fut encore plus favorable. Ce fut à cette époque que Tunis nous concéda, aux ruines de Carthage, le terrain où mourut Louis IX, et où nous avons élevé une chapelle à la mémoire du grand et saint monarque Peu de temps après la signature du traité de 1830, le général Clauzel, qui commandait en Algérie, entama avec le bey une négociation dont le but était la cession à des princes de sa famille des provinces d’Oran et de Constantine, moyennant un tribut annuel d’un million de francs par province. Le bey se prêta avec empressement à cet arrangement, et des conventions furent signées dans ce sens entre lui et le général Clauzel ; mais le gouvernement français ayant refusé de les ratifier, elles n’eurent pas d’autre suite. C’est là le dernier incident de quelque importance que nous ayons à noter dans l’histoire des relations du gouvernement tunisien avec la France.

Voyons maintenant quelles sont les relations de ce gouvernement avec les populations mêmes qui habitent la régence. Parmi ces populations, on en peut distinguer de nomades, presque toujours plus pastorales qu’agricoles, et d’autres sédentaires, plus agricoles que pastorales. Les premières vivent dans les plaines, les secondes dans les montagnes et autour des grands centres urbains. Les populations des plaines sont peut-être un peu plus querelleuses et plus adonnées au brigandage que celles de Tripoli, placées dans les mêmes conditions ; les autres n’ont peut-être pas tout à fait le même degré de moralité que leurs analogues du sud, mais, à tout prendre, il y a dans cet ensemble de fort bons élémens, parfaitement capables de former un excellent peuple, digne d’être plus sagement

  1. Outre ces Tabarkins, il y a à Tunis un grand nombre de chrétiens de toutes nations, surtout des Maltais. On en trouve aussi dans toutes les villes du littoral. Le chiffre total de ces chrétiens ne doit pas être au-dessous de 15,000.