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partout remarquer par ce mélange de luxe et de misère, de parfums et de gaietés, de marbre et de planches de sapin, d’or et de fer-blanc rouillé, que l’on rencontre chez tous les grands de l’islam, depuis le Maroc jusqu’aux rives du Gange. Le bey se tient le plus souvent au Bardo, grande habitation qui renferme de riches et belles parties, située à une lieue de la ville, où s’élève un autre palais que le bey n’habite guère qu’à l’époque des fêtes religieuses. Un troisième château, où il va assez souvent, existe à la Goulette ; mais c’est peu de chose. On en compte un quatrième, assez agréable, dans la banlieue de Tunis, à la Manouba, et dont le dernier bey a fait une caserne de, cavalerie ; un cinquième, fort grand et qu’on laisse périr faute de soin, à Hammam-el-Lif, au bord de la mer, dans une jolie situation ; enfin un sixième, bâti par le même bey, qui y a dépensé gauchement et, sans goût des sommes immenses, à Mamoudia, dans une assez triste position.

Administrativement et politiquement, la régence de Tunis se divise en outhans ou caïdats, dont les uns sont territoriaux et les autres composés de tribus à tentes. Tous les caïds correspondent directement, comme je l’ai dit, avec le bey. Il en est de même, et à plus forte raison, des kaïa, qui sont les commandans supérieurs des forces irrégulières, les seules qui existassent avant l’établissement du nizam-el-djedid[1], Ces kaïa, au nombre de quatre, résident à Gabès, Kairouan, Bizerte et El-Kef ; ils peuvent réunir à leurs fonctions militaires celles de caïd. La réunion des forces irrégulières est ce qu’on appelle le makhsen, comme en Algérie. Le makhsen se compose : 1° d’un petit noyau de vieux Turcs ou fils de Turcs ; 2° de zouaoua ou zouaves, venus originairement des tribus kabaïles de l’Algérie et maintenant dispersés sur divers points de la régence, où ils s’adonnent à différentes professions, même à celle de domestique, lorsqu’ils ne sont pas requis de marcher ; 3° des ousselatia, qui sont les descendans des anciens habitans du Djebel-Ousselat, que les beys ne purent réduire qu’en les dispersant ; 4° de spahis choisis dans les tribus, où ils jouissent de plusieurs privilèges[2] ; 5° des ambas, qui sont des spahis plus particulièrement attachés à la personne du bey ; 6° enfin de tous les cavaliers des tribus dites du makhsen, dont la principale est celle des Drides ; commandée par un chef qui réside dans la plaine d’Elsers, au milieu d’une magnifique smala. C’est avec ces forces que tous les ans, au printemps et en automne, le bey du camp fait deux tournées, l’une au midi et l’autre au nord. J’ai eu l’honneur d’être deux fois dans ces expéditions l’hôte du bey Mohammed, actuellement régnant, qui était alors bey du camp, et

  1. On désigne sous le nom de nizam-el-djedid (la nouvelle ordonnance) les troupes régulières de nouvelle création.
  2. Il y en a toujours un certain nombre auprès du bey. Chaque kaïa en a cinq cents.