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qu’il y ait nulle part autant de restes matériels du monde romain que sur cette terre, dont la dépopulation est une garantie de conservation pour les débris du passé. Ces débris sont d’ailleurs plus remarquables par leur nombre que par leur valeur architectonique. Après le magnifique cirque d’El-Djem,.le temple de Suffetula et quelque chose de celui de Douga, il n’y a rien dans tout cela de bien précieux sous le rapport de l’art ; mais tout est grand et annonce la puissance.

Le docteur Shaw, Peyssonnel et le fameux voyageur Bruce dans le dernier siècle, le comte Borgia, le capitaine Falbe et sir Grenville Temple dans celui-ci, ont étudié avec plus ou moins d’étendue et de succès l’archéologie de la régence de Tunis. Venant après eux et fixé dans le pays par des fonctions publiques, j’ai eu tout le temps et les moyens de voir ce qu’ils avaient vu, et de plus de découvrir beaucoup de ruines dont l’existence leur était restée cachée. Je citerai dans ce nombre les restes d’une ville dans laquelle une inscription très nette fait reconnaître une colonie romaine portant le nom de Salins Mussipianus, dont ne fait mention aucun écrivain de l’antiquité ; une autre plus grande, dont rien n’indique le nom ancien et que les Arabes désignent sous celui de Medeina ; les vastes décombres de Zian, dans l’Arad, où je trouvai plusieurs statues mutilées qu’à ma demande le bey nous concéda ; enfin les ruines de la fameuse Thala de Marius, au milieu d’une forêt de gommiers, qu’aucun voyageur n’a signalées avant moi.

Une espèce de ruines que je m’attendais peu à trouver dans le pays de Tunis, ce sont des ruines druidiques, des pierres levées, telles qu’on en voit sur plusieurs points de la France, surtout en Anjou et en Bretagne. La localité où se rencontrent ces ruines, appelée Kissera, avait été occupée, comme l’atteste une inscription, par une légion levée dans les Gaules. Ces monumens druidiques retrouvés en Afrique me rappelèrent que, plus de vingt ans auparavant, j’avais visité dans la forêt de La Haye, non loin de la route qui conduit de Nancy au Pont-Saint-Vincent, l’emplacement d’un camp romain autrefois occupé par une légion africaine, et qui avait gardé le nom d’Africa.


II. – LE GOUVERNEMENT ET LES POPULATIONS.

Les quatre régions, volcanique, maritime, centrale et saharienne, nous ont montré dans ses traits essentiels la physionomie du territoire tunisien. Pénétrons maintenant dans les diverses classes de la société qui l’occupe. Le gouvernement d’abord et ses relations avec la France, puis les populations qu’il gouverne, enfin les ressources dont il dispose doivent appeler successivement notre attention.

Nous avons dit comment la conquête turque, effectuée dans le