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testant, catholique ou israélite, la faculté de créer des écoles séparées, devait se borner, quant à lui, à introduire dans son enseignement un élément religieux général, c’est-à-dire indépendant de tout dogme déterminé. De là le système présenté aux chambres, système qui se résume dans la création d’écoles mixtes, combinée avec la liberté laissée aux différentes communions religieuses. Interpellé d’une façon pressante, il y a quelque temps, sur la véritable portée de son projet, le ministère a même été jusqu’à dire qu’à ses yeux l’état ne devait point être proprement considéré comme un état chrétien, ou, en d’autres termes, comme professant un culte précis à l’exclusion de tout autre. Au point de vue rigoureusement constitutionnel, cette doctrine semble assez plausible. Il n’est point douteux qu’elle dérive de l’esprit de la loi fondamentale. Le ministère est soutenu dans cette voie par les libéraux des diverses nuances, par les libéraux modérés, qui l’ont jusqu’ici appuyé de leurs sympathies et de leurs suffrages, aussi bien que par les libéraux plus avancés, qui marchent sous la direction de M. Thorbecke ; mais il a contre lui tout un parti discipliné et ardent, qui s’est hâté de saisir ce prétexte de réveiller l’agitation religieuse. C’est le parti qui a pour chef principal M. Groen van Prinsterer, et qui prend indifféremment le nom d’ultra-protestant, d’anti-révolutionnaire, ou de parti des réformés historiques. Les réformés historiques n’ont rien négligé pour représenter le projet du gouvernement comme portant atteinte au sentiment religieux du pays, et pour provoquer un mouvement de pétitions qui continue encore. Ils avaient espéré un instant que le roi, dans un voyage qu’il vient de faire à Amsterdam avec la famille royale, se laisserait influencer par ce mouvement dont les témoignages se multipliaient autour de lui. Il n’en est rien cependant, et, même avant son départ de La Haye, le roi a donné un témoignage tout particulier de satisfaction à l’un de ses ministres, M. van Hall, en lui délivrant un titre de noblesse. Maintenant le projet du gouvernement est soumis à une commission législative qui a préparé un rapport volumineux. Les divers systèmes qui sont en présence peuvent se réduire à trois : l’un, celui du gouvernement, propose l’établissement d’écoles mixtes avec un enseignement religieux général ; un second demande que l’enseignement soit chrétien sans toucher au dogme ; le troisième enfin, celui des réformés historiques, réclame la création d’écoles séparées pour les protestans, les catholiques et les israélites. Au fond, l’agitation provoquée par les ultra-protestans a peut-être moins un but religieux qu’un but politique : ce parti n’est point fâché de trouver une occasion d’agir sur l’opinion publique pour la faire tourner en sa faveur dans les élections qui auront lieu bientôt.

La Hollande, qui a de si grands intérêts dans les Indes et du côté du Japon, s’est émue particulièrement d’un désastre qui a frappé ce dernier pays il y a peu de mois : c’est un tremblement de terre tel qu’on n’en avait point vu depuis un siècle. Des milliers de personnes ont péri. Le feu s’élançait de la terre par tous les pores pour ainsi dire. C’est surtout la seconde capitale de l’empire japonais, Jedo, qui a porté le poids de ce fléau terrible. Quelque lointains que soient de tels désastres et quelqu’étranger que soit au mouvement du monde le pays qui en est la victime, il faut bien ranger parmi tant d’événemens qui passent ces coups terribles et imprévus.

ch. de mazade.
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V. de mars.