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née par le sultan, comme émanant de sa souveraine initiative. C’est donc d’après ces principes interprétés dans un sens plus ou moins large que devra être conçue l’organisation nouvelle, appelée à réunir à la fois ces trois conditions : l’adhésion des populations, la sanction du sultan et la garantie de l’Europe. Comment sera résolu ce problème ? Il n’est point douteux que le congrès n’y attache une sérieuse importance. Une commission mixte paraît devoir se rendre prochainement dans les principautés, et ce n’est qu’après l’enquête de cette commission qu’une résolution définitive sera prise dans de nouvelles conférences qui se tiendront également à Paris. Dans tous les cas, il est d’autant plus nécessaire de procéder à cette organisation des principautés, que les pouvoirs des hospodars vont expirer, et que l’Europe a un intérêt singulier à ne point laisser ces populations flotter entre toutes les influences. Ne serait-ce pas la rouvrir la porte à la Russie au moment où les Roumains n’ont d’autre désir que de se lier par un bienfait à l’Occident ?

Quand il aura préparé la solution de ces questions, le congrès de Paris aura parcouru le cercle des difficultés qui se rattachent à l’état de l’Orient. Selon toutes les apparences, il est sur le point d’avoir achevé son œuvre, du moins pour le moment, jusqu’à l’heure où les mesures relatives aux principautés pourront devenir l’objet de délibérations nouvelles entre les gouvernemens ; mais avant de se séparer, le congrès n’a-t-il point eu à s’occuper d’autres questions également sérieuses dans l’état actuel de l’Europe ? On ne peut douter désormais que les affaires d’Italie n’aient été évoquées dans les conférences. Seulement dans quelle mesure la question italienne a-t-elle été agitée ? La réalité est qu’un mémorandum paraît avoir été communiqué il y a quelques jours par le plénipotentiaire du Piémont, M. de Cavour, au gouvernement français et au gouvernement anglais, et tel a été le point de départ des conversations qui ont pu s’engager. Dans son mémorandum, M. de Cavour n’avait point de peine à constater l’état déplorable de l’Italie, principalement des Romagnes. Il faisait remarquer que l’esprit révolutionnaire trouve son plus énergique aliment dans les fautes des gouvernemens, qui s’obstinent à repousser toute idée d’amélioration sérieuse, tandis que le Piémont, par ses réformes, a montré que les agitations politiques et les révolutions sont impossibles là où la dignité nationale est sauvegardée, et où les institutions sont adaptées aux mœurs, aux aspirations légitimes des populations. Un des points qu’abordait le plénipotentiaire piémontais, c’est le développement progressif de l’invasion autrichienne dans les différens états de l’Italie. L’Autriche aujourd’hui en effet occupe Ferrare, Bologne, Ancône, Parme, Plaisance. Aux yeux de M. de Cavour, cette immixtion croissante dans les affaires de l’Italie est fatale à un double point de vue. D’abord c’est l’occupation étrangère ; ensuite les gouvernemens, se sachant protégés par l’Autriche, s’accoutument à moins consulter les intérêts des populations que leurs propres caprices. D’ailleurs cette occupation étrangère n’est point un remède. La présence des Autrichiens dans les provinces du pape n’empêche pas les plus étranges excès. De là une nécessité urgente de chercher d’autres moyens, puisque la force matérielle ne suffit pas. Le mémorandum du ministre piémontais ne contenait point au surplus de proposition formelle. M. de Cavour paraît seulement avoir été conduit peu après à appeler l’attention du congrès sur la possibilité de donner