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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 avril 1856.

La paix n’est point ratifiée encore, elle ne le sera définitivement que dans les derniers jours du mois ; mais, quelque lenteur que l’éloignement ou les formalités des chancelleries mettent dans cet échange des ratifications, la paix est faite : elle est assurée désormais par la signature du traité du 30 mars, qui fixe les conditions essentielles du rétablissement de l’ordre européen, et ne laisse à débattre que des questions d’exécution entre des puissances réconciliées. Cet acte une fois accompli, tout le reste devient secondaire. Les armes tombent d’elles-mêmes des mains des combattans. L’état de guerre a cessé partout en fait avant de cesser en droit. Les interdictions qui pesaient sur le commerce commencent à disparaître, les blocus sont levés, les flottes sont rappelées dans les ports, et déjà on peut prévoir l’heure du retour de ces intrépides armées qui quittaient nos côtes il y a deux ans, qui jusqu’au dernier instant auront eu à supporter les cruelles épreuves de la lutte, les maladies après le feu ; la mort obscure de l’ambulance après la mort héroïque du champ de bataille. Politiquement, c’est la fin de cette tension qui régnait dans tous les rapports en Europe, et qui laissait toujours entrevoir au bout de la guerre d’Orient la menace redoutable d’une guerre dans l’Occident. Tel est le résultat général et jusqu’ici appréciable des négociations qui viennent d’avoir lieu.

La Russie, on ne le peut nier ; était la plus intéressée dans la lutte ; aussi le cabinet de Saint-Pétersbourg n’a-t-il point été le dernier à essayer d’expliquer à ses peuples ce que c’était que cette paix qu’il venait de conclure. Il a soulevé à demi le voile dans un manifeste signé par l’empereur Alexandre lui-même. Il ne faut point évidemment peser avec minutie chaque mot de ce manifeste impérial, qui est comme un acheminement à la divulgation du traité. Si le tsar décline encore la responsabilité du conflit en la rejetant en quelque sorte sur la fatalité des circonstances qui ont trompé les intentions de son père, s’il déclare que le but de la guerre est atteint, quoique par des voies imprévues, s’il déguise la neutralisation de la Mer-Noire, la transformation de ses ports, la rectification de ses frontières, sous le voile de mesures de précaution destinées à éloigner toute chance de collision entre la Russie et