fut le chef d’un enseignement fécond qu’il transmit à de nombreux élèves, parmi lesquels nous citerons l’Allemand. Henri Schütz, qui porta dans son pays la fantaisie, le coloris et l’esprit dramatique de l’école de Venise. Dans l’œuvre très variée de Jean Gabrieli, où l’influence persistante du moyen âge s’accuse encore par certains détails de la langue musicale, se trouvent les germes d’une révolution qui sera bientôt accomplie par Monteverde.
Claude Monteverde, qui représente la troisième période de l’école vénitienne, est né à Crémone, on ne sait au juste en quelle année, mais entre 1565 et 1570. Habile virtuose sur la viole, qui était alors un instrument à la mode, il entra en cette qualité au service du duc de Mantoue. Marc-Antonio Ingegnieri, son compatriote, qui dirigeait la chapelle du duc, lui donna des leçons de contre-point qui le mirent en état de révéler de plus hautes facultés. Sans pouvoir assurer si Monteverde a succédé à Ingegnieri dans ses fonctions de directeur de la musique du prince de Mantoue, on est certain qu’il fut appelé à Venise et nommé maître de chapelle de la basilique de Saint-Marc le 19 août 1613, un an après la mort de Gabrieli. C’est donc à Venise, où Monteverde a passé la plus grande partie de sa vie, où il a fait graver et publier ses œuvres les plus importantes, et où il est mort dans le mois de septembre 1649, que s’est accomplie et surtout affermie la révolution musicale dont je vais parler.
La série de sons qui composent la gamme moderne est formée, comme tout le monde sait, de sept degrés, dont un huitième reproduit à l’octave supérieure la sensation de celui qui sert de point de départ. Ce sont la les deux limites extrêmes de l’espace que l’oreille ne peut franchir sans être forcée de recommencer le même voyage, espace qui est pour elle l’unité avec laquelle elle mesure l’échelle immense des sons ayant le caractère musical. C’est une question, posée depuis longtemps par les théoriciens, que de savoir s’il existe un ordre nécessaire dans la succession des degrés qui remplissent l’octave, ordre qui serait un a priori de notre nature, une loi imposée par l’organe qui perçoit le phénomène, ou bien si les différens intervalles qui peuvent être contenus dans l’unité primordiale de l’octave sont arbitrairement distribués et dépendent de l’usage, du caprice ou des artifices de l’art. Si l’on répond par l’affirmative, et qu’on reconnaisse un ordre quelconque dans la succession des sons que renferme l’octave, il faut alors expliquer la cause qui a produit une si grande variété d’échelles mélodiques. Dans le cas contraire, on est forcé d’admettre toutes les successions possibles, et cela jusqu’à l’infini. Or il est évident qu’il y a des successions qui répugnent à l’oreille, qui blessent même sa sensibilité, et qu’elle ne peut supporter un instant que comme une curiosité passagère qui