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effet, dans le système musical des Grecs légué par le paganisme romain, les airs les plus populaires et par conséquent les plus simples dans leur structure mélodique. Cette première concession faite par l’église à l’instinct de la foule, qui altère et simplifie tout ce qu’elle s’approprie, se renouvellera constamment, et forme le nœud de l’histoire de la musique au moyen âge.

Deux cents ans s’étaient à peine écoulés depuis la mort de saint Ambroise, qu’une nouvelle réforme des chants liturgiques fut jugée nécessaire et opérée par le pape saint Grégoire le Grand, qui monta sur le siège apostolique en 591. Subissant de plus en plus l’influence désastreuse des Barbares, qui avaient traversé le monde romain et s’étaient emparés de l’Italie, le peuple avait non-seulement perdu le sentiment de la prosodie et de la valeur métrique de la langue latine ; mais, en chantant les hymnes de l’église auxquelles cette langue était adaptée, il en altérait le caractère mélodique, et dépassait constamment les limites des quatre échelles fixées par l’évêque de Milan. Voulant remédier à ce grave inconvénient, qui tendait à bouleverser la liturgie, cette partie dramatique de la religion si puissante sur les masses, saint Grégoire fit recueillir de nouveau ce qui restait des anciennes mélodies grecques, et, les joignant à celles qui avaient été choisies par saint Ambroise, il en forma un ensemble qui fut appelé Antiphonaire centonien, c’est-à-dire livre composé de fragmens. S’apercevant bientôt que cette compilation de chants divers ne pouvait être contenue dans les quatre échelles diatoniques de saint Ambroise, le pape saint Grégoire en ajouta quatre autres, qu’il rattacha aux premières par une opération des plus simples. Telle est l’origine des huit tons ou échelles du chant ecclésiastique, qui prit alors le nom de plain-chant (cantus planus) parce qu’il procédait par degrés d’égale valeur, et sans autre rhythme que celui qui accompagne invinciblement toute émission de la parole humaine.

Les huit tons du chant ecclésiastique, qui porte aussi le nom de chant grégorien, de son dernier réformateur, se divisent en deux catégories : les tons authentiques, qui sont les quatre échelles fixées par saint Ambroise, et les tons plagaux, ceux que saint Grégoire a fait dériver des premiers. Ces catégories se distinguent entre elles par la place toujours variable qu’occupe l’intervalle de demi-ton dans la série diatonique. Il y a d’autres accidens qui servent à caractériser les huit modes de la mélopée ecclésiastique, et sur lesquels il est inutile d’insister. La réforme du chant ecclésiastique opérée par saint Grégoire est, vous le voyez, un nouveau témoignage de cette loi de simplification qui marque l’action de l’instinct populaire aussi bien dans la formation des langues que dans la construction des échelles musicales. Ainsi donc les mélodies choisies par