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Peu après, les commandans en chef des armées alliées donnèrent rendez-vous au serdar à Varna, où se tint un conseil de guerre vers la fin de mai. C’est là que, pour la première fois, Omer-Pacha dévoila sa position critique et fit connaître ses véritables forces. Il ne pouvait opposer à une marche des Russes contre Choumla que quarante-cinq mille hommes de troupes régulières. Il fut aussitôt décidé qu’Omer-Pacha ne sortirait de son camp retranché de Choumla qu’après l’arrivée des troupes alliées à Varna, et qu’alors il tenterait de dégager Silistrie en livrant bataille aux Russes. Les membres du grand conseil de guerre qui venait de se tenir à Varna, et parmi lesquels figurait le séraskier Riza-Pacha, se rendirent à Choumla pour inspecter les troupes ottomanes. Ils témoignèrent au serdar leur satisfaction de la promptitude avec laquelle ses troupes exécutaient les manœuvres. Riza-Pacha, étant resté au camp après le départ des généraux étrangers, reçut d’Omer-Pacha l’ordre de quitter Choumla dans les douze heures, s’il ne voulait se voir conduit par la force à Constantinople. Le serdar avait été instruit que le séraskier, pendant son séjour à Choumla, avait engagé plusieurs pachas à porter plainte au sultan contre le général en chef, en leur promettant de faire donner le commandement de l’armée à un véritable Osmanli.

Le maréchal Paskiévitch avait résolu de tenter un coup décisif contre Silistrie avant l’arrivée des alliés à Varna. Le bombardement avait fait plusieurs brèches dans les murs de la ville ; les ouvrages d’Arab-Tabia ne présentaient plus que des monceaux informes de terre, les parallèles russes contre cette batterie n’étaient plus qu’à vingt mètres : tout faisait présager un triomphe ; mais le moral des Russes était déjà ébranlé par la nouvelle de l’arrivée des forces alliées sur le sol ottoman. L’ordre fut donné d’attaquer à la fois plusieurs batteries, et de diriger les principaux efforts contre Arab-Tabia. Le 25 mai, à huit heures du soir, par un temps sombre et orageux, une canonnade générale commença contre Silistrie. Les éclairs des bouches à feu se confondaient avec les éclairs qui déchiraient la nue. Le colonel Grach porta immédiatement quinze cents hommes à Arab-Tabia pour renforcer cette position, et Moussa-Pacha se rendit de sa personne à Ilahi-Tabia, qui flanquait Arab-Tabia. Vers les dix heures du soir, les Russes s’élancèrent à l’assaut. Trente mille hommes s’ébranlèrent au son du tambour et au retentissement de plusieurs centaines de bouches à feu ; ils marchèrent sur trois colonnes ayant en tête les généraux Schilder, Lüders et le jeune Orlof. Le choc fut terrible, la résistance héroïque. Malgré la mitraille qui décimait les colonnes russes, elles parvinrent à escalader les retranchemens d’Arab-Tabia. Là, une lutte sanglante s’engagea à l’arme blanche, et trois cents bachi-bouzouks, venus de l’Arabie, armés de