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en face de Turtukaï, au confluent de l’Ardgis et du Danube, par des soldats d’infanterie et y fit élever des batteries. Le lendemain, ses troupes s’installèrent dans le bâtiment de la quarantaine, au pied du village même d’Oltenitza, sur la rive gauche du Danube. Le prince Gortchakof n’attachait d’abord aucune importance à l’occupation de ces points par les Turcs ; mais le jour suivant, ayant appris que des travaux considérables avaient été exécutés par eux, il donna l’ordre au général Dannenberg, commandant le quatrième corps, de rejeter les Turcs de l’autre côté du Danube. Ce fut le général de division Pavlof qui fut chargé de cette opération. Il avait sous ses ordres la brigade du général Ochterlone, composée de huit bataillons d’infanterie, un régiment de hulans, et douze bouches à feu.

Le village d’Oltenitza est situé sur une longue colline entre l’Ardgis et le Danube. De ce village jusqu’au bâtiment de la quarantaine s’étend une plaine d’une portée et demie de canon, bordée à droite, du côté de l’Ardgis, par des broussailles et un marais[1]. En vingt-quatre heures, les Turcs avaient élevé des parapets au-delà du bâtiment de la quarantaine, entre l’Ardgis et le Danube, et les avaient armés de huit pièces de canon ; mais ces travaux n’étaient pas encore achevés au moment où commença l’attaque des Russes. De chaque côté du Danube et de l’Ardgis, il restait un intervalle qui pouvait être franchi par cinquante soldats de front. Le 4 novembre au matin, les forces russes, s’élevant à neuf mille hommes environ, marchèrent à l’attaque de ces travaux inachevés des Turcs, qui n’avaient à leur opposer sur la rive valaque du Danube que trois mille quatre cent quarante-six hommes. Dans ce nombre, il est vrai, outre cent vingt cavaliers, on comptait deux cents chasseurs formés à l’instar de ceux de Vincennes, et qui avaient été exercés par un brave officier français, d’Anglars, mort depuis en Crimée. Omer-Pacha, placé sur une colline près de Turtukaï, sur la rive droite du Danube, ayant à ses côtés l’habile et audacieux général espagnol Prim, observait les mouvemens de l’ennemi. Le serdar craignait beaucoup que ses troupes, dont il connaissait l’exaltation, et qui se trouvaient pour la première fois en face des Russes, ne montrassent trop de précipitation : il avait donc ordonné à ses officiers de laisser approcher l’ennemi jusqu’à portée de fusil. Ses ordres furent exécutés avec une grande précision et un admirable sang-froid ; mais aucun pacha ne fut présent pendant le combat : ils s’étaient tous furtivement retirés à Turtukaï, et l’honneur de la journée resta tout entier au colonel Osman-Bey. Les Russes marchèrent à l’assaut sur trois colonnes,

  1. C’est de ce point que le général Roth passa le Danube en 1829 avec quarante mille hommes.