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un des meilleurs ouvrages de David; on peut reprocher à la pantomime un peu d’emphase. Toutefois ce début devait appeler l’attention sur le jeune statuaire. La physionomie de Condé respire une héroïque ardeur, et le costume est traité avec une grande souplesse. Si plus tard l’auteur s’est montré plus habile, cette première statue permettait pourtant de prévoir que David se préparait à rompre avec les enseignemens de son premier maître, je veux dire avec les leçons du peintre des Sabines et de Léonidas.

Le tombeau du général Foy, placé dans le cimetière du Père-Lachaise, mérite une attention toute spéciale, parce qu’il marque dans la carrière de David un moment d’hésitation entre la tradition, qu’il voulait répudier, et le costume moderne, qu’il avait abordé franchement dans la statue de Condé. L’orateur guerrier, abrité sous un toit de pierre soutenu par quatre colonnes, ne porte ni l’uniforme de général ni l’habit de député. L’auteur avait trente-six ans lorsqu’il commença la composition de ce monument, qui comptera certainement parmi ses plus beaux ouvrages. Il avait déjà résolu de donner à la sculpture une mission populaire, mais il voulait préparer cette transformation et habituer peu à peu les regards de la foule aux lignes ingrates du costume de notre temps. Le général debout, dans l’attitude de l’orateur s’adressant à ses concitoyens, lève un bras nu, comme Démosthènes ou Cicéron. Il est vêtu à l’antique, et sans le caractère individuel et tout moderne de sa physionomie, on pourrait croire qu’il parle dans l’Agora ou le Forum. A ne considérer que la beauté des lignes, il est hors de doute que le parti adopté par David mérite des éloges unanimes. Le général Foy, drapé à l’antique, offre certainement un aspect plus harmonieux qu’un député vêtu d’un habit à collet droit; mais on peut se demander si la statue ainsi conçue s’accorde avec les bas-reliefs du piédestal, et je suis forcé d’avouer que tout homme de bonne foi résoudra cette question d’une manière négative. Parmi les bas-reliefs, en effet, il n’y en a qu’un seul dont le caractère se relie au caractère de la statue, celui qui représente le général à la tribune. Les députés, au lieu d’être assis sur les bancs de la chambre, se tiennent debout, et le manteau qui les enveloppe ne permet pas de savoir à quelle nation, à quel temps ils appartiennent. Toutes les têtes sont étudiées avec un soin scrupuleux, et je regrette qu’elles n’aient pas été moulées à part pour servir de documens historiques. La scène est pleine de grandeur; seulement elle n’a pas de date certaine, et, quand il s’agit de perpétuer la mémoire d’un citoyen illustre, l’absence de date certaine est un défaut grave. Les deux autres bas-reliefs ne méritent pas ce reproche. Nous y trouvons le