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En même temps que les exigences de la Russie grandissaient, on pouvait remarquer un progrès dans l’activité de ses préparatifs militaires, et le mot des officiers russes sur leur prochain retour dans les principautés paraissait près de se justifier. Au commencement de l’année 1852, on voyait se concentrer des troupes autrichiennes dans le Banat, des troupes russes en Bessarabie et dans la Russie méridionale. Une grande inquiétude régnait à Jassy comme à Bucharest. Toute la flotte de la Mer-Noire était réunie dans le port de Nicolaïef et à l’embouchure du Bug ; un corps expéditionnaire était même campé près de la ville sous des tentes. On expliquait ces rassemblemens de troupes par la présence prochaine de l’empereur Nicolas dans la Russie méridionale, par l’insurrection de Bosnie et le mécontentement que causait à l’Autriche l’agitation qui régnait au sein des populations slaves de l’empire ottoman. Les hospodars cherchaient ainsi à se faire illusion sur les projets de la Russie, et allaient jusqu’à compter sur la munificence de l’empereur Nicolas pour terminer le débat relatif à indemnité réclamée par ses troupes. Cette erreur ne fut pas de longue durée. Le prince Stirbey ayant envoyé son budget à Saint-Pétersbourg, ce budget fut mis sous les yeux du tsar, qui décida lui-même que la Valachie paierait 30 millions de piastres (plus de 11 millions de francs), et la Moldavie, £ millions et demi (plus de 2,400,000 fr.), représentant les dépenses occasionnées par le pied de guerre.

Les voyages successifs de l’empereur d’Autriche et de l’empereur de Russie dans les pays voisins des principautés ne tardèrent pas à préciser la nature des relations qui existaient entre les gouvernemens des hospodars et les deux empires. Le prince Stirbey, sachant que l’empereur François-Joseph était à Hermanstadt, s’y rendit pour le complimenter. Il était porteur d’une lettre autographe du sultan, qu’il avait sollicitée afin de pouvoir paraître devant le jeune empereur en qualité d’ambassadeur extraordinaire. Quels que fussent les motifs pour lesquels cette faveur avait été sollicitée par un prince assez peu soucieux d’ordinaire de ses devoirs envers la cour suzeraine, la démarche du prince Stirbey ne fut pas vue avec plaisir par l’empereur d’Autriche, qui aurait préféré sans doute recevoir un hospodar plutôt qu’un ambassadeur du sultan, caractère qui, en cette occasion, amoindrissait le prince de Valachie : c’est du moins ce que l’on peut conjecturer de l’accueil bien différent fait au prince Alexandre de Servie, qui se présenta, peu de jours après, simplement comme hospodar, et qui fut traité avec une distinction et des égards qu’on n’accorde guère qu’aux têtes couronnées.

On cessait à peine de s’entretenir du voyage de l’empereur d’Autriche, que l’on sut que l’empereur Nicolas était au moment d’exécuter