Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/798

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dot n’est pas une merveille à faire courir les gens. Aussi longtemps que vous voudrez bien me continuer votre affection, tout ira pour le mieux ; mais si quelque jour vous me manquez, la nièce sans la tante sera un maigre parti.

— Tu es trop modeste.

— Et vous, chère tante, reprit Alexandrine en riant, vous êtes beaucoup trop bonne ; on n’a pas vos yeux pour me voir. Une seule personne a demandé ma main, c’était au temps jadis. On voulait bien la lui accorder, mais cette personne apprit que j’étais ruinée,… et mon fiancé court encore.

— Comment l’appelles-tu, ce fugitif ? demanda Mme de Fougerolles, égayée par le tour que prenait la conversation.

— M. de Mauvezin… Mon Dieu ! j’avouerai bien franchement qu’il me plaisait… Ce mari me semblait fait tout exprès pour moi… je parle d’autrefois !… mais à présent, il n’y faut plus penser. M. de Mauvezin est un homme avisé. Une bonne âme, qui me veut du bien, lui a parlé de moi dernièrement. Oh ! il ne m’avait pas oubliée !

Mlle du Rosier ! a-t-il dit, je l’aime beaucoup ; mais elle n’a rien.

— Elle a sa tante. Mme de Fougerolles. — C’est ce que je voulais dire, a-t-il repris.

Mme de Fougerolles tressaillit. — Oh ! la fine mouche ! pensa le notaire.

— Ah ! il a dit cela ? s’écria la baronne.

— Oh ! il ne faut pas lui en vouloir, continua Mlle du Rosier, le mot est amusant, et j’en ai ri, moi qu’il intéresse plus que personne. Or, étant bien décidée à ne pas prendre pour mari le premier venu, et M. de Mauvezin courant toujours, j’ai renoncé bravement au mariage.

— Hum ! tu te presses beaucoup, murmura Mme de Fougerolles.

Les choses en restèrent là jusqu’au moment des fêtes pour lesquelles M. de Mauvezin était invité. Sept ou huit personnes étaient déjà au château quand il y arriva. Mlle du Rosier en faisait les honneurs avec sa tante. La position qu’elle avait prise et l’affection que lui montrait Mme de Fougerolles avaient singulièrement modifié les idées à son sujet. Le temps n’était plus où elle portait une méchante robe de laine noire ; le lendemain de son retour à La Bertoche, Alexandrine avait trouvé dans sa chambre des étoffes d’été et des toilettes que sa tante avait fait venir de Paris pour sa nièce. Sans se départir d’une extrême simplicité, elle adopta des formes et des couleurs plus en harmonie avec son âge. Ce fut comme une transformation, et la grande question de son mariage, qui si longtemps avait excité la curiosité des oisifs de Moulins, fut encore une fois agitée dans les réunions. M. de Mauvezin ne fut pas le dernier à s’apercevoir de ce changement, et il prit occasion de l’intimité