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Mlle  DU ROSIER

I.


Mlle  Alexandrine du Rosier était en 1852 une des personnes dont le nom revenait le plus souvent dans la conversation des bourgeois de Moulins. Ce n’est pas qu’il y eût dans sa conduite quelque chose qui prêtât aux caquets, et moins encore aux médisances ; mais elle était belle, et on la croyait riche. Sa jeunesse et son caractère aidant, il n’en fallait pas davantage pour attirer sur elle l’attention de toute la ville. À vingt et un ans, Mlle  du Rosier passait pour l’un des partis les plus considérables du département. Elle tenait par sa mère, d’une bonne maison de Gannat, à la vieille noblesse du Bourbonnais, et par son père, quelque temps maître de forges et propriétaire, à la bourgeoisie industrielle du pays. Elle avait les yeux bleus, de beaux cheveux châtains, beaucoup d’élégance dans la taille et un grand air qui l’eussent fait remarquer partout, lors même qu’elle n’aurait point eu d’alliances et de fortune. L’hôtel qu’elle habitait était situé dans la partie haute de la ville ; il datait du commencement du xviiie siècle, et un tapissier de Paris en avait meublé les vastes appartemens, enrichis de dorures et de trumeaux. C’était un honneur que d’y être reçu. L’évêque y dînait quelquefois. Avec la dot qu’on lui supposait et les avantages naturels que le hasard lui avait prodigués comme à souhait, on s’étonnait seulement que Mlle  du Rosier ne fût pas encore mariée. Ce n’est pas que les prétendans manquassent, tant s’en faut ; il s’en était présenté de vingt lieues à la ronde, et même de Paris, et cependant ce mariage, dont on parlait toujours, ne se faisait jamais. Quelques personnes mettaient