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Cependant Bernadotte n’avait pas perdu de temps ; ses troupes, ramenées en Suède, avaient bloqué la frontière, pendant que la flotte suédoise bloquait les ports principaux de la côte ennemie. La Norvège avait préparé tous ses moyens de résistance ; maintes fois elle avait juré, entre les mains du chef qu’elle avait élu, de se défendre jusqu’à la dernière extrémité contre l’union suédoise. Le nouveau roi avait imploré les puissances étrangères : il comptait sur l’opposition anglaise, qui fit bien au sein du parlement quelques représentations en faveur de l’indépendance norvégienne ; mais enfin l’armée suédoise et la flotte, rompant le blocus, se mirent en mouvement, et lorsque, après de courtes hostilités, la forteresse de Frederikstad fut tombée au pouvoir de Bernadotte, il devint évident, en l’absence de tout secours étranger, que la résistance était impossible. Les partisans de la réunion, traités jusque-là d’ennemis et de traîtres, prirent enfin quelque crédit. Beaucoup de bons citoyens parmi eux pensaient, avec raison sans doute, que la Norvège ne pouvait sérieusement songer à former un royaume tout à fait indépendant, et qu’après la conquête inappréciable d’une constitution libre, il importait surtout de sauvegarder et de protéger cette constitution. Retourner sous la domination danoise eût été dangereux, quand même les puissances étrangères l’eussent permis. Se joindre à la Suède selon le vœu de ces puissances, c’est-à-dire selon l’inexorable nécessité, mais en faisant reconnaître l’œuvre politique de l’assemblée d’Eidsvold, ce serait au contraire acquérir une protection en échange d’un bien faible hommage ; ce serait finalement avoir tiré un merveilleux parti d’une très menaçante conjoncture. En présence de ces extrémités, et une défaite pouvant compromettre les concessions si importantes qu’on voulait obtenir de la Suède, Christian-Frédéric dut renoncer aux espérances qu’il avait sans doute conçues soit pour lui-même, soit pour la maison royale de Danemark ; Bernadotte d’ailleurs refusant d’entrer en pourparlers avant que le prince eût remis le pouvoir exécutif entre les mains de la nation norvégienne, il s’y résigna. Son dernier acte fut de convoquer une nouvelle assemblée nationale, seule en possession de disposer une fois encore des destinées publiques. Du reste, pour hâter la réunion, le roi de Suède avait promis, par la convention de Moss (14 août 1814), de reconnaître la nouvelle constitution norvégienne, et de n’y proposer aucunes autres modifications que celles qui seraient rendues absolument nécessaires par les nouveaux rapports entre les deux royaumes.

Telle fut la base des négociations qui s’ouvrirent avec le Storthing, réuni en octobre. D’après le projet élaboré par le gouvernement suédois lui-même, on décida que la Norvège, annexée à la Suède, conserverait son indépendance, son organisation intérieure et ses lois.