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aux familles, s’il en est encore parmi nous qui n’aient pas abandonné le noble plaisir des lectures en commun au coin du foyer ; .c’est tout un petit poème qui raconte comment le travail affranchit et ennoblit. Le commentaire magnifique de ce livre est un voyage à travers l’antique Norvège, au milieu de ces admirables forêts aux mille vives couleurs, au milieu de ces torrens et de ces glaciers, — ou bien un voyage à travers son histoire, antique ou récente, peu importe. Il n’y a qu’une empreinte effaçant toutes les autres sur ces destinées ; c’est celle d’une constante et énergique liberté.

La domination du Danemark avait été bien légère pour la Norvège, et si ce dernier pays a conservé aujourd’hui la langue danoise, sauf quelques différences peu sensibles, il n’a pourtant sacrifié presque aucune de ses vieilles institutions Aussi, quand la révolution française avait éclaté, la Norvège, sans lui présenter, comme le Danemark, des passions populaires à enflammer, reconnut sous une forme saisissante quelques-unes des idées politiques qui faisaient depuis des siècles le fond même de ses croyances et de sa vie sociale, et elle s’affermit dans la conscience de ses droits. Voilà par quelle alliance, par quelle coopération de l’esprit ancien et de l’esprit moderne ce pays se trouva prêt, lors des vicissitudes que lui réservait le XIXe siècle, pour une constitution presque républicaine. On sait comment naquit la constitution norvégienne de 1814. Nous ne saurions prétendre raconter ici tout ce beau drame ; bornons-nous à quelques épisodes qui nous fassent comprendre à quelle énergique nationalité Bernadette allait avoir affaire, et quel était l’ours dont Alexandre avait vendu la peau.

Pendant ; les sept années de guerre, de 1808 à 1814, qui interrompirent les communications régulières entre le Danemark, cerné de tous côtés par la marine anglaise et la Norvège, cette dernière province se trouva isolée, abandonnée à elle-même, et forcée de pourvoir à de nouvelles nécessités financières, économiques administratives. Une telle extrémité lui fut salutaire. Tandis que le gouvernement danois, soucieux dans ce danger de conserver son affection, lui accordait des institutions refusées jusqu’alors, une université, une banque, — la commission de gouvernement instituée pour administrer en son nom prit en main non pas seulement la direction civile, mais la direction politique du pays. La commission de gouvernement devint ainsi le berceau des institutions que l’assemblée d’Eidsvold devait transformer bientôt en une charte presque républicaine. Le dernier lien avec le cabinet de Copenhague avait été, au commencement de 1813, la nomination comme gouverneur de Norvège du prince Christian-Frédéric, héritier de la couronne danoise, et plus tard roi de Danemark sous le nom de Christian