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de Bernadotte en date du 24 mars 1813 : « Possesseur de la plus belle monarchie, votre majesté voudra-t-elle toujours en étendre les limites ? etc.. » Peyron quitta bientôt Paris avec l’assurance que l’empereur voulait regarder encore la Suède comme son alliée naturelle, et avec les lettres de la princesse royale de Suède, qui suppliait son mari de changer de politique.

Il y eut là un singulier moment d’incertitude pour les destinées futures de la France et de la Suède. On put croire que l’avenir n’était pas encore fixé. Bernadotte, mécontent de ses nouveaux alliés, écouta ou feignit d’écouter les propositions de l’envoyé français ; il répondit en faisant partir le 28 mai pour Dresde un agent d’un caractère suspect, Signeul, qui devait, par une incroyable invention, déclarer au duc de Bassano que la Russie offrait la Finlande à la Suède, et qu’il restait donc à Napoléon à donner pour sa part la Norvège ; la Poméranie formerait pour le Danemark une compensation. Signeul devait surtout avertir au plus tôt le prince royal s’il apprenait que les alliés se disposassent à conclure une paix quelconque avec Napoléon. Telle était l’incertitude des alliances, telles étaient la défiance et l’anxiété de Bernadotte, qui apprenait alors même les nouvelles tentatives de la Russie pour attirer le Danemark en lui promettant l’intégrité de ses états ; tels étaient les déboires que lui causait l’alliance de 1812.

Entraîné à accepter encore un délai pour l’accomplissement de ses plus chères espérances, on sait quels importans services Bernadotte rendit à la coalition pendant la funeste campagne de 1813, aux journées de Gross-Beeren, de Dennewitz et de Leipzig. Une fois Napoléon refoulé en-deçà du Rhin, il prétendit que, de ce côté du moins, il avait achevé son œuvre et qu’il devait à présent marcher contre le Danemark. Ce n’était pas cette fois encore le compte d’Alexandre. Il voulait franchir le Rhin ; la chute de Napoléon entrait évidemment dans ses vues secrètes. Il affectait de faire briller de nouveau aux yeux de Bernadotte les espérances les plus séduisantes, et Bernadotte le soupçonnait, assure M. Bergmann, qui a vu tant de lettres et de notes confidentielles de Charles-Jean, de convoiter le trône de Suède pour un de ses frères, et finalement l’empire sur tout le continent. Bernadotte déclara enfin, en novembre 1813, quand les souverains alliés se trouvaient réunis à Francfort, qu’il voulait marcher contre le Danemark. En vain le comte G. de Lövenhielm lui conseilla-t-il de rester quelque temps encore avec les alliés, de peur que ceux-ci ne lui retirassent leurs auxiliaires. « Ma résolution est prise, répondit-il avec impatience et colère ; je marche contre les Danois, et si les rois alliés osent pour cette raison rompre leurs engagemens envers moi, ils verront arriver des choses qu’ils n’ont pas prévues, et peut-être