étaient d’accord avec cet intérêt. Chose curieuse et plus significative encore, c’est précisément la Norvège, — à propos de laquelle s’étaient montrés à nu les calculs du cabinet russe, — qui est devenue l’occasion du changement de politique de la Suède. Après avoir solennellement promis la Norvège à Bernadotte comme une compensation effective de la perte de la Finlande et comme une acquisition réelle qui augmenterait véritablement la richesse et l’autorité de sa couronne, la Russie a longtemps marchandé l’accomplissement de cette promesse. Quand, après une longue attente, cette récompense a été finalement accordée, elle s’est trouvée amoindrie, et n’a pas été un dédommagement de la perte cruelle de 1809. Non contente, la Russie avait encore, jusque dans ces dernières années, essayé de reprendre quelque chose du prix médiocre qu’elle n’avait pu refuser. Eh bien ! ce sont justement ces intrigues dans l’extrême Nord qui ont servi d’occasion au traité du 21 novembre dernier, lequel, en mettant fin à ce qu’on appelle à Stockholm la politique de 1812, revendique l’indépendance de la Suède, et lui ouvre une nouvelle ère de développement politique et national.
Depuis les plus beaux jours de Gustave III, la cour de Suède n’avait jamais été aussi brillante que pendant l’hiver de 1812 à 1813. Le cercle de la reine et celui de Mme d’Engeström, femme du premier ministre, réunissaient une élégante société, amie des plaisirs de l’esprit autant que de l’éclat extérieur. La noblesse qui entourait la reine, femme de Charles XIII, apportait dans ces salons l’urbanité de l’ancienne cour et, comme on disait, de l’ancien régime, tandis que Bernadotte et le prince Oscar y mêlaient la grâce familière des mœurs nouvelles de leur première patrie. L’enthousiasme un peu facile des Suédois ne résistait pas à la vue d’une française élégamment dansée par le jeune prince, ou d’une valse conduite par le prince royal qui animait tout autour de lui par la vivacité un peu exubérante de sa galanterie méridionale. N’oubliant pas les affaires au milieu des plaisirs, on le voyait, au sortir d’un quadrille, rencontrer à dessein1, mais comme par hasard, quelque diplomate, Thornton ou de Tarrach, lui glisser un mot pour sa correspondance du lendemain, ou bien le prendre à part dans un petit salon, sur un sopha, dans une embrasure de fenêtre, et après quelques propos échangés se laisser souvent entraîner à une de ces excessives harangues contre lesquelles il était sans défense. La comédie bourgeoise alternait avec les danses. Ce genre de divertissement, alors tout français, rappelait en Suède les meilleurs temps de la cour de