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enfans des personnes de bonne vie qui, ayant été elles-mêmes baptisées, approuvaient la confession de foi, quoiqu’elles ne fussent pas en pleine communion. Toutefois un parti nombreux et intraitable ne cessa de condamner cet expédient, et plusieurs des ministres qui l’avaient adopté n’osèrent plus ensuite le mettre à exécution dans leurs paroisses. Plus tard, en 1664, et toujours pour complaire au roi, l’assemblée admit le principe du droit des tenures ; tout franc-tenancier remplissant les conditions d’âge et de cens, portant un certificat du ministre de sa paroisse, par lequel il serait déclaré « orthodoxe dans sa foi et non vicieux dans sa conduite, » serait freeman, quoique non membre de l’église. Cette mesure ne profitait qu’à un petit nombre de riches, et le certificat laissait beaucoup à l’arbitraire ; mais c’était quelque chose que de faire un pas au milieu de ces querelles ardentes, qui durèrent longtemps encore, et firent même pour un temps supprimer la liberté de la presse. Ce ne fut qu’après la révolution de 1688 que ce régime reçut un coup mortel ; la charte de Guillaume III, de 1691, accorda la tolérance à toutes les sectes, sauf pourtant les papistes. Le vote et le jury furent accordés à tous les habitans ayant une tenure de 40 sh. par an, ou une propriété valant 40 liv. sterl. Un établissement légal fut donné aux églises congrégationnelles, et la dépense en fut supportée par la colonie ; ainsi le voulait l’opinion populaire, car ce n’était point le peuple qui avait soutenu ces longues luttes contre l’ancien système ; le peuple, convaincu et subjugué par des hommes qui le connaissaient, peu curieux d’hérétiques et de sorciers, s’y trouvait parfaitement à l’aise, et ne voulait pas en sortir.

Telle fut la croissance pénible et tourmentée de la colonie du Massachusetts : union intime, ou plutôt identité de l’église et de l’état, l’une et l’autre fondés sur l’utopie de la démocratie absolue, mais bientôt, en présence du besoin de s’entendre pour agir, l’une et l’autre enserrés dans le cercle d’une artificielle et rigoureuse aristocratie, portant ainsi une contradiction de droit enveloppée dans son existence de fait. Et cette inconséquence était inévitable, car une religion n’est pas un dogme nu et abstrait qui vient se livrer à la discussion ; c’est un dogme organisé qui a un corps, et ce corps, c’est une association d’hommes dont il devient la loi morale. Il doit donc, comme toute loi, avoir un sens, une suite, une interprétation, une jurisprudence, la même pour tout le corps qu’il gouverne. Mais si cette église est en même temps l’état, il faudra que l’état étende son pouvoir aussi loin que l’église, sur la vie privée, sur les sentimens intimes, sur le fond des pensées, et qu’il y applique ses moyens de coaction, qui pourtant n’ont aucune prise sur ces mystères de l’âme. De la un grand abaissement chez les peuples faibles, une résistance