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Ordinairement le capital, en quête de placemens productifs, est plus offert que demandé ; dans les crises dont nous parlons, la condition est retournée : le capital est plus demandé qu’offert. Le crédit commercial et le crédit commanditaire se le disputent, et le loyer du capital, le prix du crédit, s’élève. Dans cette concurrence ; celui des deux intérêts accidentellement rivaux qui prime l’autre est le crédit commercial, car c’est à lui que se lient toutes les branches de la production actuelle et l’activité quotidienne du travail, et ce n’est que par l’activité des capitaux de roulement engagés que peuvent se reformer les nouvelles épargnes, qui feront cesser plus tard l’insuffisance passagère du capital. C’est par la hausse de l’intérêt que le crédit commercial exerce alors sa suprématie, et c’est par la que les banques et les établissemens d’escompte ont en définitive sur le crédit commanditaire une influence restrictive irrésistible.

Il serait sage aux banques sans doute dans les temps réguliers et prospères, lorsque le crédit commercial est à bon marché, de ne point stimuler par des services étrangers à leur nature l’élan des capitaux vers les opérations du crédit commanditaire. Elles épargneraient peut-être par cette circonspection prévoyante les souffrances qu’impose au commerce le renchérissement du crédit causé par la concurrence que la demande de capital fixe fait en certaines conjonctures à la demande de capital de roulement. Mais quand on a laissé arriver la crise, il n’est plus permis d’hésiter entre les deux intérêts : l’un, le crédit commercial, est l’intérêt du présent ; l’autre, le crédit commanditaire, est l’intérêt de l’avenir. C’est le présent qui doit l’emporter sur l’avenir ; il faut que le capital disponible soit ramené comme fonds de roulement aux emplois du crédit commercial, et que le crédit commanditaire attende. Tel est l’effet inévitable que les banques produisent en élevant le taux de l’intérêt.


Des diverses applications du crédit, celle qui par elle-même est la moins féconde au point de vue économique, c’est le prêt.

Nous ne nous arrêterons point ici à deux des combinaisons les plus importantes du prêt : le prêt à l’état, fondé sur la constitution de rentes perpétuelles, et le prêt hypothécaire, auxquels correspondent deux formes de crédit dont nous aurons plus tard à nous occuper, le crédit public et le crédit foncier. Nous nous contenterons de remarquer que les gouvernemens et les propriétaires fonciers ne peuvent avoir d’autre accès au crédit que l’emprunt, lorsque leurs besoins d’argent dépassent leurs revenus annuels. Un état peut bien faire face à des besoins temporaires, qui ne dépassent pas ses rentrées annuelles, au moyen de bons du trésor, c’est-à-dire d’effets qu’il pourra payer à une échéance prochaine avec les rentrées sur