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sées en échelons ; je glisserai ensuite dans l’intérieur du tronc, et quand j’aurai levé la trappe et posé l’escalier qui mène au souterrain, tu me suivras. Souviens-toi bien que, si je ne te trouve pas dans quelques instans à mes côtés, je reviens me livrer aux soldats. Es-tu prête ? — Pars et hâte-toi, répondit Habibé. En quelques instans, le bey eut atteint la cime de l’énorme chêne, d’où il descendit dans la profonde cavité du tronc. De son côté, Habibé s’était traînée sur ses genoux et sur ses mains jusqu’à l’arbre ; elle mit le pied dans une entaille du tronc, puis sur la première branche, et, s’aidant des échelons naturels indiqués par le bey, elle eut bien tôt atteint l’endroit où Méhémed avait disparu. Elle se trouvait alors presque au seuil d’une large ouverture, et sa main, qui cherchait un point d’appui, rencontra fort à propos l’extrémité d’une corde qui pendait à l’intérieur. — Attache-toi à la corde, et laisse-toi glisser, lui dit à voix basse Méhémed, qui était au-dessous d’elle. Elle suivit ce conseil, et presque immédiatement elle fut reçue dans les bras du bey. Le souterrain était ouvert devant eux. Il fallait se hâter, car, malgré toutes les précautions prises par les fugitifs, le craquement des branches et des broussailles venait de réveiller les soldats, qui s’appelaient en maugréant. Méhémed, avant de se précipiter avec Habibé dans le souterrain, remonta jusqu’au haut du tronc pour enlever la corde qui avait facilité la descente de la jeune femme et faire disparaître ainsi toute trace de leur passage ; puis il revint à elle, et, l’invitant à le suivre, il la porta plutôt qu’il ne la guida le long de l’échelle mobile qui appuyait sa base sur le sol de la caverne.

La trappe s’était refermée derrière eux ; ils étaient enfin en sûreté mais dans les plus épaisses ténèbres. Heureusement le bey connaissait dans tous ses détails la retraite qu’il avait choisie : il trouva sans peine l’endroit où des fagots résineux avaient été amassés par la prévoyante sollicitude des Kurdes nomades. Le feu jaillit presque aussitôt de son briquet, et, une torche allumée dans la main, il put conduire Habibé tremblante vers une des parois de la grotte ; puis, déplaçant quelques pierres qui formaient dans le mur une porte secrète, il introduisit sa compagne dans une pièce qui ne le cédait en rien pour l’élégance et le comfortable aux plus beaux appartemens de son harem de la montagne. Alors, mais alors seulement, le bey adressa la parole à Habibé.

— Nous sommes sauvés, dit-il en la pressant contre sa poitrine. Et le son de cette voix, qui résonnait après un long silence sous ces voûtes souterraines, fit tressaillir la jeune femme, comme l’annonce d’un prochain danger. Par un mouvement rapide, elle plaça sa petite main sur les lèvres du bey, pour l’empêcher d’en dire davantage ;