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et rigoriste. Comme pour tempérer la sévérité du dogme de la justification, tout protestantisme admet une faculté d’examen individuel de l’Écriture qui engendre l’indépendance et souvent inspire la modération. Excepté dans quelques natures éprises de la raideur et de la petitesse, la foi protestante, quand la contradiction ne l’irrite pas, devient plus large et plus flexible, et un arminianisme involontaire ou réfléchi se glisse heureusement dans l’interprétation de la parole évangélique. Les intelligences vouées aux sciences, aux lettres, à la philosophie, penchent naturellement vers cette mesure religieuse, vers cette alliance de croyance et de raison que le zèle qualifie de relâchement, et quoique l’Écosse soit de ces pays où l’on trouve des populations entières fort montées sur le dogme de la prédestination, de bonne heure l’esprit de secte s’est calmé dans ses universités, et les études profanes ont pris dans bien des âmes chrétiennes la place des préoccupations exclusives et des croyances absolues du puritanisme. D’ailleurs l’intolérance ne pouvait s’y montrer que libre et volontaire, et quand elle n’est imposée ni par une cour, ni par des princes de l’église, ni par des tribunaux, les écoles où elle règne n’en sont pas longtemps opprimées. Si elles sont elles-mêmes intolérantes, c’est qu’elles veulent l’être ; mais faute de résistance elles s’apaisent, faute de combattans elles désarment. Aucun intérêt politique n’y vient envenimer le dogmatisme. L’effet naturel du travail intellectuel se produit à la longue, l’étude affranchit et pacifie, et la raison est la plus forte. Ainsi des écoles presbytériennes sont devenues des écoles libérales.

Quatre universités, dont la plus ancienne, celle de Saint-André, date du commencement du XVe siècle (1411), sont les grands centres de la lumière dont s’éclaire l’Écosse depuis la fin du moyen âge. Quoiqu’elles ne soient pas égales en importance et en réputation, aucune n’a été sans quelques professeurs distingués dont le nom n’est pas oublié. À Saint-André comme à Glasgow, à Aberdeen, à Édimbourg, les universités doivent à des donations quelques-unes des chaires dont elles sont pourvues, et dont les professeurs restent à la nomination du fondateur ou de ses représentans héréditaires. Ce patronage est ordinairement exercé par la couronne, quelquefois par un seigneur, le plus souvent par le sénat académique ou par le conseil de ville. De ces quatre modes de remplacement, le dernier passe pour le moins mauvais, quoique l’esprit de secte, dit-on, s’en soit depuis quelque temps emparé ; mais tous les quatre sont fort attaqués, et l’on demande généralement une réforme. Cependant il se peut que dans le passé cette manière assez étrange de recruter un corps enseignant ait servi à diversifier l’enseignement, et même à lui conserver plus de liberté. Un conseil universitaire, un sénat académique peuvent s’engourdir ou s’obstiner dans la routine, et re-