Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blait les peindre, telles qu’elles sont. Ainsi le nom de l’Écosse passa dans toutes les bouches. Je ne crois pas qu’aucun écrivain, sans plaider aucune cause, sans se proposer aucune propagande, ait autant fait pour sa patrie.

Le mélange de réalité et d’invention, si bien fondues dans ses compositions, dénote en lui deux qualités que peu d’hommes ont portées au même degré, l’imagination et le sens commun. Peut-être devrait-on dire de l’Écosse quelque chose d’analogue. La contrée est pittoresque ; c’est un pays de montagnes : il en a les beautés naturelles sans cette horreur grandiose d’autres sites renommés. L’aspect général est mélancolique, mais doux. Tout est agreste, et rien n’est inaccessible. Dans ses solitudes les plus incultes, on trouve encore une certaine facilité de vivre ; ses huttes sauvages couvrent des hommes civilisés par les sentimens et les idées, raisonneurs avec des croyances primitives, superstitieux même et sensés. De quelque nation que vous soyez, de quelque hauteur sociale que vous descendiez, de quelques lumières que s’enorgueillisse votre raison, si vous parlez à un paysan écossais, vous parlez à votre égal, vous n’avez rien à lui apprendre de ce qu’il faut sentir ou savoir pour être vraiment un homme, et en même temps il a les instincts, les passions, les rêveries du montagnard. L’orgueil et le respect, la violence et la retenue, l’intelligence et la simplicité, la sagacité pratique et l’exaltation religieuse, tels sont quelques-uns des contrastes qui frappent à chaque instant dans la population d’un pays dont on peut dire qu’aucun autre n’a été aussi poétiquement raisonnable ; car, avec tout ce qui lui reste de la vie de la nature et de la société du moyen âge, cette nation doit prendre rang parmi les plus éclairées de l’univers. La politique, la religion et la littérature ont fait de l’Écosse quelque chose d’incomparable.


I

On prétend quelquefois que les dynasties royales s’identifient tellement avec le pays que la nationalité vit en elles, et qu’elles ne peuvent être arrachées du sol sans que la nation perde une partie de son existence, et soit, pour ainsi dire, décapitée. Il est cependant impossible de considérer comme un jour néfaste pour l’Écosse celui où les Stuarts s’acheminèrent vers le sud de l’île, et allèrent planter sur les tours de Windsor l’étendard qui avait flotté sur le palais d’Holyrood. Elisabeth, dans ses rigueurs comme dans ses caprices, avait travaillé, sans le vouloir, à l’indépendance réelle de l’Écosse. Le meurtre de Marie Stuart avait achevé d’ôter tout espoir à l’église catholique, et Jacques VI emporta avec lui la tyrannie de l’église épiscopale, qui, ayant son chef à Londres, ne put désormais domi-