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du soleil couchant, quelques mesures de symphonie d’un très beau caractère annoncent l’arrivée des deux amans, lesquels, accablés de fatigue et de misère, chantent un duo plein d’angoisse et de passion où se trouve encadrée une prière qui nous paraît être l’inspiration la plus élevée qu’on doive à l’auteur de la Muette et de tant de délicieux chefs-d’œuvre. Par cette dernière page de musique, le compositeur s’est placé à la hauteur de l’abbé Prévost, et a prouvé, contre les tendances habituelles de son propre génie, que le véritable amour est plus fort que la fantaisie. Après tout, Manon Lescaut est un ouvrage agréable, exécuté avec soin, et dans lequel M. Faure, qui joue le rôle du marquis d’Hérigni, a obtenu un succès qui n’est point exagéré. Il chante avec goût les deux romances du second acte et le duo avec Manon, et si sa voix était moins caverneuse, et qu’il pût se corriger de ce tressaillement nerveux dont elle est constamment affectée, il pourrait arriver à une réputation durable.

Indépendamment de l’intérêt qui s’attache à un nouvel ouvrage de M. Auber, Manon Lescaut offrait une curiosité particulière : c’étaient les débuts de Mme Cabel à l’Opéra-Comique. Nous avons apprécié dans le temps cette agréable cantatrice avec une sévérité d’expression d’autant plus grande que la réputation qu’on voulait lui faire nous paraissait exagérée. Mme Cabel est une jolie personne, grande et naturellement gracieuse, dont la voix de soprano, très étendue, est douée d’une flexibilité qui doit plus à la nature qu’à l’étude. Elle gazouille comme un oiseau, ou, mieux encore, comme une charmante créole, dont elle a les allures un peu molles et sans la moindre afféterie. Elle va, elle vient, elle vous tourne un joli compliment en vous présentant son offrande et ne s’en fait pas autrement accroire. Elle sourit volontiers et ne pleure qu’à son corps défendant, et, si une larme furtive vient parfois mouiller le bord de ses paupières, elle est bien vite essuyée, parce que cela gâterait ses beaux yeux. Au demeurant, c’est la meilleure fille du monde et une charmante Manon, moins les débordemens et le cri suprême.

Le Théâtre-Lyrique, dont l’existence a été un peu menacée pendant quelque temps, vient de changer de directeur; la nouvelle administration a inauguré son règne sous d’assez bons auspices, par Fanchonnette, opéra-comique eu trois actes. Qu’est-ce que Fanchonnette? Le nom indique déjà qu’il s’agit d’une espèce de Fanchon la vielleuse qui va chantant par les rues de Paris, où elle fait la rencontre d’un riche et puissant seigneur qui lui lègue en mourant toute sa fortune au détriment d’un neveu, légitime héritier; mais Fanchonnette est trop sage et trop généreuse pour garder un bien qui ne lui appartient pas. Elle fait donc offrir à Gaston de Listeney, prince et mousquetaire fort endetté, la restitution d’une fortune dont elle ne veut être que la dépositaire. Le prince de Listeney, en homme de qualité, refuse un pareil don, qu’il croit entaché de souillure, et alors Fanchonnette emploie tout son génie, qui est grand, à faire parvenir dans les mains de ce jeune mousquetaire, qu’elle aime et qu’elle a eu occasion de soigner pendant une maladie, la fortune de son oncle. Telle est la donnée du nouveau poème de MM. Saint-Georges et de Leuven, dont la scène se passe sous la régence et au Cadran-Bleu, chez le fameux Bancelin, poème très politique, puisque Fanchonnette tient dans ses mains tous les