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et d’en passer par toutes les lois qu’il plaira à la chambre des communes de vous dicter. Ce ne sont pas là des craintes chimériques. Je ne fais que poser un cas qui devra nécessairement se présenter, où, au milieu des luttes de partis, un ministre sans scrupule, ou seulement un ministre faible, voulant se créer ou se conserver une majorité dans l’autre chambre, se fera le serviteur des plus basses passions pour obtenir un nouveau bail de pouvoir... Du jour où vous aurez fait cette concession, vous aurez signé l’arrêt de mort de la pairie. Ce ne sera peut-être pas l’année prochaine, ni dans cinq ans; mais une fois le principe admis, ma conviction est que l’aristocratie héréditaire, qui est le soutien de la monarchie héréditaire, sera ébranlée dans ses fondemens. Et si ce spectacle nous est à nous-mêmes épargné, nos fils assisteront à la chute de cette monarchie, que les vertus de la personne royale pourront encore sauver pour un temps, mais qui tombera dès la première fois que le souverain sera devenu suspect ou impopulaire... Soyez-en sûrs, entre une chambre héréditaire, par conséquent indépendante de la couronne, et une chambre élective, il n’y a pas de milieu. En dehors de ces deux bases, votre œuvre vous tombera, en pièces dans les mains. J’espère que ni nous ni nos enfans ne verrons le temps où ce grand pays dégénérera en république, quelque succès que puisse avoir ailleurs cette forme de gouvernement. Mon désir est de voir subsister une monarchie héréditaire avec la balance des trois pouvoirs. Quant à moi, jamais je ne consentirai, sans lutter jusqu’à la fin, à laisser inonder la chambre des lords par des fournées. Jamais je n’abandonnerai volontairement le droit inhérent à toute assemblée législative, celui d’être le juge de ses privilèges et l’interprète de ses lois... »

Nous avons cru devoir reproduire ce débat avec quelque étendue, parce que les principes constitutionnels anglais y sont illustrés par des exemples. On peut voir par là ce qui distingue et a toujours distingué la constitution anglaise de toutes les constitutions françaises. En Angleterre, la constitution s’améliore, se perfectionne; en France, elle naît parfaite. C’est pourquoi la France a toujours fait et fera toujours des révolutions. Si, pendant que tout change et se modifie, pendant que les mœurs se transforment et que la société marche, si la loi reste immobile, alors elle n’est plus qu’une barrière, et la violence qui la renverse devient légitime. Le monde avance toujours, et c’est l’immobilité qui est révolutionnaire. Tant que la France voudra faire des constitutions éternelles, immuables, et les faire parfaites au lieu de perfectibles, elle les verra successivement renverser par des révolutions, soit d’en bas, soit d’en haut, soit de la barricade, soit du trône. Le caractère des Anglais au contraire, c’est de ne jamais embrasser une abstraction, c’est d’être avant tout nationaux, réalistes. Tout dernièrement, un de leurs nouveaux recueils périodiques s’annonçait par un programme où nous avons saisi cette déclaration tout indigène : « En notre qualité d’Anglais, nous avons une confiance illimitée dans les bases du caractère