témoignage public d’attachement, qui ait osé dire qu’elle n’avait pas tort, qui ait osé ne pas donner dans son langage officiel raison à ses ennemis contre elle. Il n’y a pas jusqu’à la Prusse qui n’ait proclamé l’injustice de sa cause par le traité de Berlin, jusqu’aux petits princes de l’Allemagne qui ne l’aient condamnée en s’appropriant les provisions de ce traité. Après cela, que signifient les complimens de condoléance que l’on fait parvenir secrètement à Saint-Pétersbourg, les assurances d’un vain dévouement formulées dans des lettres qui se terminent peut-être en exprimant la crainte où l’on est de se voir entraîné malgré soi dans une coalition universelle contre la Russie? Les archives de Saint-Pétersbourg doivent contenir dans ce genre des choses bien intéressantes, et qui promettent de bien curieuses découvertes aux historiens de l’avenir. Il n’y a certainement pas qu’une puissance dans le monde que la Russie accuse de la plus noire ingratitude.
Non, la Russie n’a rien à espérer du dehors, elle voit au contraire le vide grandir sans cesse autour d’elle, le nombre de ses ennemis grossir, leurs forces et leurs ressources s’augmenter, leurs projets, irrités par une résistance aussi malheureuse qu’opiniâtre, prendre des proportions de plus en plus menaçantes pour elle. Il ne s’agit plus aujourd’hui seulement de sa prépondérance dans le Levant, c’est l’empire lui-même qui serait attaqué. Tenter encore, avec son armée toujours battue et son trésor aux abois, la fortune des batailles, ce serait courir des chances dont pas une n’est favorable, et qui toutes pourraient entraîner des conséquences incalculables. La destruction de Cronstadt et de la flotte de la Baltique ne serait que le moindre des maux qu’il faudrait prévoir; il faudrait s’attendre peut-être à la perte des provinces situées au sud du Caucase, et qui ne seraient probablement jamais rendues, si elles étaient une fois conquises. Il faudrait prévoir l’occupation de la Finlande ou des provinces baltiques; il faudrait craindre une tentative de résurrection de la Pologne, tirée de son long abaissement pour servir de boulevard à l’Europe contre l’empire russe, isolé désormais de tout contact direct avec cette civilisation occidentale dont il a si grand besoin. Il paraît en effet que le projet en a été agité, et qu’il a rencontré dans l’esprit de plusieurs gouvernemens une défaveur moindre ou même une faveur plus grande que peut-être on ne s’y attendait. Nous ne voulons pas garantir le fait, mais on assure que c’est la révélation faite par la Prusse de circonstances qui montraient combien ce projet avait gagné de terrain, qui a déterminé la résolution du 16 janvier et l’acceptation des propositions autrichiennes.
Voilà donc bien des raisons pour croire que la Russie est entrée dans les négociations avec le sincère désir d’arriver à la paix; mais il en est une autre encore que nous regardons comme une garantie