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Les commerçans étrangers en métaux précieux, les banquiers, eussent trouvé profit à créer du papier de circulation sur la France; ce papier se serait fait escompter à la Banque, et aurait pompé sans limite l’or de sa réserve. La Banque de France éleva donc l’intérêt à 5 dans les premiers jours d’octobre, et à 6 la semaine suivante. Arrivée là, la loi arriérée qui impose chez nous une limite fixe au taux de l’intérêt l’obligea de s’arrêter et de recourir, pour élever sa défense au niveau de celle de la Banque d’Angleterre, à une mesure restrictive du crédit, la réduction à soixante-quinze jours du maximum de l’échéance des effets reçus à l’escompte.

Mais le taux de l’intérêt, si improprement confondu par les gens d’affaires avec le prix de l’argent, n’est que le prix du crédit, le loyer auquel les capitaux prêtent leurs services. La rareté du numéraire n’est point le symptôme de la rareté des capitaux; elle peut, il est vrai, en ralentir la circulation, car, pour circuler, les capitaux ont besoin de prendre à chaque évolution la forme du numéraire ou de son suppléant comme intermédiaire de circulation, le billet de banque; une banque n’aurait pourtant point le pouvoir de maintenir arbitrairement un taux d’intérêt qui ne serait point conforme au loyer naturel des capitaux, tel que le détermine le rapport de l’offre et de la demande sur le marché du crédit. Ce n’est donc pas uniquement au point de vue des exportations d’or qu’il faut apprécier les mesures prises dans l’automne de 1855 par les Banques d’Angleterre et de France, c’est aussi et surtout au point de vue de la situation du crédit. Ces mesures étaient-elles justifiées par ce qu’on pourrait appeler l’état du marché des capitaux? Étaient-elles conformes, malgré leur apparente rigueur, aux intérêts du crédit commercial? Il nous semble impossible de répondre négativement à ces questions, quand on veut bien y regarder de près et sans esprit de système.

Malgré la régularité et la saine activité du commerce et de l’industrie proprement dits, il est incontestable que la situation du crédit était moins bonne en 1855 que dans les années précédentes. Ce qui fait la bonne situation du crédit, c’est l’abondance des capitaux qui s’offrent aux emplois reproducteurs, soit pour accroître le capital de roulement de l’industrie et du commerce, soit pour accroître le capital fixe sur lequel est établie la puissance des agens de la production. La tendance de l’industrie étant de devancer sans cesse les besoins appréciables de la consommation, il faut pour prospérer qu’elle accroisse constamment ses moyens de production et la somme de ses produits, son capital fixe et son capital de roulement. Cette condition de développement et de prospérité pour l’industrie et le commerce n’est possible que par la formation