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banques ont déjà réussi à conjurer les crises monétaires locales résultant du commerce intérieur ; mais il faut aussi reconnaître que nous n’en sommes point là encore, et que dans les circonstances actuelles la Banque de France n’avait pas de pareils moyens à sa disposition.

Depuis l’époque en effet où la Banque de France dut songer à se procurer de l’or et de l’argent à l’étranger, les causes qui déterminaient chez nous l’exportation des métaux précieux agissaient avec la même force sur le marché anglais. Au lieu de pouvoir nous rendre un service analogue à celui qu’elle avait reçu de la Banque de France en 1845, la Banque d’Angleterre avait à pourvoir pour son propre compte aux mêmes nécessités. La guerre d’abord et bientôt l’insuffisance des récoltes dans l’Europe occidentale soumettaient son encaisse métallique à d’égales épreuves. La Banque d’Angleterre envisagea la première les perspectives prochaines que ces accidens ouvraient sur le commerce, et prit l’initiative des mesures que la situation commandait aux établissemens de crédit. Elle éleva dès le mois de septembre le taux de l’intérêt de 4 à 4 1/2. On attribue à tort à l’effet de l’acte de 1844, qui a donné à la Banque d’Angleterre sa constitution actuelle, l’empressement qu’a mis cette banque à hausser ainsi le taux de l’intérêt. Elle n’eût pas agi autrement lors même qu’elle eût été libre, comme autrefois, d’émettre ses billets sans être astreinte à en avoir la représentation en lingots lorsque la limite de 14 millions sterling est dépassée. L’élévation de l’intérêt peut être déterminée par deux causes, la situation monétaire et la situation du crédit telle qu’elle résulte du rapport de l’offre et de la demande des capitaux. Ces deux causes se réunissaient particulièrement pour engager la Banque d’Angleterre à recourir à la hausse de l’intérêt.

L’Angleterre est le premier marché des matières d’or du monde, celui où l’or est habituellement le plus abondant et le moins cher. L’Angleterre fait en outre aux nations avec lesquelles elle commerce des crédits dont on évalue la durée moyenne à dix-huit mois et même deux années. Ainsi, en même temps qu’elle attire et concentre chez elle les produits des grandes extractions d’or, elle est le pays sur lequel le commerce du monde peut, à un moment donné, émettre le plus de lettres de change. À l’instant où un besoin d’or extraordinaire se fait sentir chez une nation commerçante, cette nation peut se procurer des lettres de change sur l’Angleterre et les convertir en or en les faisant escompter par la banque. Dans les derniers mois de 1855, la Banque d’Angleterre dut prévoir qu’elle serait exposée, sous cette forme, à une demande d’or indéfinie qui viendrait s’ajouter aux demandes du gouvernement britannique pour