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et la Chine. La guerre de Chine, qui a diminué dans ce pays la consommation des produits anglais, oblige les Anglais à payer une portion considérable de leurs importations chinoises en métaux. L’argent est le métal préféré des Orientaux; il surabondait dans notre circulation monétaire, et comme par l’effet du rapport légal que nous avons maintenu entre les deux métaux, et qui n’est plus conforme à leur rapport commercial actuel, la France est le pays où, avec une même quantité d’or, on peut acquérir la plus grande somme d’argent, c’est chez nous qu’on est venu le prendre. Cette disparition graduelle de l’argent peut causer une perte réelle à notre capital métallique, mais, l’or remplaçant l’argent qu’elle enlève, elle ne diminue point d’une manière sensible la valeur de notre circulation. La France échange son argent contre de l’or à des conditions un peu désavantageuses, voilà tout. C’est un simple accident dans la distribution des métaux précieux entre les nations commerçantes : coïncidant avec des causes qui produiraient une crise monétaire, il pourrait sans doute en augmenter les embarras; mais la Banque n’a rien à y voir, puisque ce n’est pas elle qui fixe le rapport légal entre l’or et l’argent, et que ce n’est pas sa faute si ce rapport n’est plus conforme aux prix réels de l’or et de l’argent sur le marché des métaux.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître que la situation commerciale pendant la première moitié de l’année 1855 ne présentait aucun de ces caractères de surexcitation qui annoncent les crises et les ébranlemens du crédit. Notre industrie et notre commerce, comme le témoignait le chiffre croissant des revenus des douanes et des importations, continuaient à se développer avec activité, mais dans des conditions saines, sans rien donner à l’esprit d’aventure, sans se laisser aller aux entraînemens excessifs de la spéculation. La perspective changea malheureusement dans la seconde moitié de l’année, non par la faute du commerce, mais par un de ces accidens naturels, une mauvaise récolte, à l’influence desquels la situation de l’industrie et du commerce ne peut se soustraire, car ils apportent un changement soudain et inévitable dans les rapports des pays où ils se produisent avec les autres nations commerçantes. Il fut démontré après la récolte que la France aurait à demander à l’étranger d’énormes importations de céréales, et comme ces importations extraordinaires, lorsqu’elles se font sur une grande échelle, ne peuvent se payer immédiatement en produits, il fut évident que la France aurait à faire pour l’achat de ses approvisionnemens des exportations considérables de métaux précieux. A partir de ce moment, la réserve métallique de la Banque, déjà entamée par les nécessités de la guerre, allait être attaquée avec plus d’énergie encore par la crise des subsistances.