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trouver leurs propriétaires sérieux et définitifs. La distinction que nous venons d’indiquer entre l’escompte et le prêt sur dépôt de titres suffit pour montrer la mesure qui est imposée aux banques dans ces opérations de prêt. Un chiffre considérable d’escomptes ne fait qu’annoncer une vive impulsion donnée au commerce, par conséquent une situation prospère. Le même chiffre d’avances sur effets publics et valeurs industrielles accuserait au contraire une grande instabilité sur le marché de ces valeurs, le déclassement général des titres et la situation gênée de leurs détenteurs. Les valeurs qui représentent les placemens fixes doivent être créées et soutenues par la classe des capitaux qu’alimentent les épargnes et les accumulations annuelles de profils; les ressources dont disposent les banques proviennent d’une autre classe de capitaux, les capitaux de roulement, qui entretiennent l’existence quotidienne du commerce et de l’industrie. Quand elles consacrent une grande portion de ces ressources aux prêts sur dépôt de titres, les banques détournent donc en réalité une portion des capitaux de roulement du commerce et de l’industrie de leur emploi naturel; c’est ce qu’elles ne doivent jamais perdre de vue dans leurs avances sur effets publics et valeurs industrielles, car elles ne pourraient dépasser, dans ces opérations, la mesure fixée par la plus stricte prudence qu’en exposant l’industrie et le commerce à des crises dont ils auraient à supporter tous les embarras et les désastres sans les avoir appelés et mérités par leurs propres fautes.

La Banque de France fut autorisée, par l’ordonnance du 15 juin 1834, à faire des avances sur effets publics, à des conditions qui lui en assuraient le remboursement contre toute éventualité[1]. Du reste, la Banque reste maîtresse de la mesure dans laquelle elle croirait convenable d’élargir ou de restreindre ses avances. Chaque semaine, son conseil général fixe la somme qu’il veut y consacrer. Ce qui a été fait en 1834 pour les effets publics a été étendu, par un décret du 3 mars 1852, aux actions et obligations de chemins de fer. le gouvernement voulait alors donner un grand élan à l’industrie des chemins de fer, et pour cela populariser leurs actions; il prit

  1. Voici ces conditions : l’avance ne peut excéder les 4/5mes de la valeur des effets d’après leur cours au comptant la veille du jour où l’avance est faite. L’emprunteur souscrit envers la Banque l’engagement : 1° de rembourser dans un délai qui ne peut excéder trois mois les sommes qui lui sont fournies; 2° de couvrir la Banque du montant de la baisse qui pourrait survenir dans le cours des effets par lui transférés en gage toutes les fois que cette Laisse atteindra 10 pour 100. Faute par l’emprunteur de satisfaire à ces conditions, la Banque a le droit de faire vendre à la Bourse, par le ministère d’un agent de change, tout ou partie des effets qui lui ont été transférés, savoir : 1° à défaut de couverture, trois jours après une simple mise en demeure par acte extra-judiciaire; 2° à défaut de remboursement, dès le lendemain de l’échéance, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité préalable.